Haro sur les chômeurs

Tou-tes aux abris. Mardi 26 mars, l’Insee a révélé que le déficit public était plus élevé que prévu. Logique en ces temps de cadeaux étatiques maous aux entreprises, patronats et actionnaires ? « Que nan ! » ont hurlé les éditorialistes et politiques matrixés au macronisme. Le pognon de dingue dépensé pour les pauvres, voilà la cause de tous nos maux. Il faut dire que c’était déjà dans l’air. Citons Bruno Le Maire s’émouvant sur BFMTV le 17 mars dernier d’un État providence « devenu incontrôlable » et expliquant que « la gratuité de tous pour tous, tout le temps, c’est intenable ». Autre azimutée néolibérale, la ministre du Travail Catherine Vautrin qui, dans le bolloréen JDD, a exhorté les chômeur-euses de 60-64 ans à se remettre au boulot en assénant que « l’émancipation passe par le travail ». Deux exemples entre mille, dans un concert médiatique assourdissant visant la cohorte d’assisté-es irresponsables qui laminent le pays, et dont l’addiction aux aides publiques nous mène à la banqueroute.

L’offensive est assumée. Elle s’est d’ailleurs accompagnée dès le lendemain de l’annonce attalienne sur une nouvelle réforme de l’assurance chômage, la troisième en trois ans. Dans la continuité des précédentes, il s’agira d’encore raboter les droits et indemnisations de plus de 5 millions de personnes. Finie la belle vie les glandeur-euses! Et tant pis si vous en êtes déjà réduit-es à revendre vos reins sur Leboncoin pour financer votre train de vie dispendieux. Faut dire, vous abusez : trois repas par jour ? Vous vous êtes pris-es pour des émirs du pétrole ?

Cette petite musique s’accompagne de satisfactions économiques qui nous réchauffent le cœur. Un nouveau record historique du CAC 40 : 146 milliards de profit en 2023. Champagne ! Sur les plateaux téloche et les ondes, il n’est pourtant pas question d’aborder cet envers du décor. Non, si les caisses sont vides, ce sont les gueux les coupables. L’ISF ? Oh mais ça ne concerne que 5 milliards d’euros, des broutilles, n’en parlons pas. Les cadeaux fiscaux en pagaille ? Faudrait pas faire fuir les licornes de la start-up nation. Les aides publiques aux entreprises, qui seraient le premier poste de budget de l’État ? M’enfin, faut être compétitif. Le fantôme de Thatcher se frotte les mains. Et nous, on repense à cette saillie d’Alphonse Allais, journaliste satirique de la fin du XIXe, plus que jamais d’actualité : « Il faut prendre l’argent là où il se trouve : chez les pauvres. D’accord, ils n’en ont pas beaucoup, mais ils sont si nombreux ! »

Édito du mensuel CQFD d’avril 2024.

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