Vaccination indispensable, mais pas pour tout le monde…

Dès octobre 2020, l’Afrique du Sud, l’Inde et une centaine de pays en développement, faisant face à de grandes difficultés pour s’armer face à la pandémie du Covid-19, ont porté au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) une demande de levée temporaire des barrières de propriété intellectuelle sur les produits médicaux nécessaires pour mettre fin à la pandémie de Covid-19, appelée « waiver ».
Depuis un an et demi les pays riches, Union européenne en tête, freinent les négociations pour protéger les intérêts des grands groupes pharmaceutiques. Le waiver est un moyen de lever les obstacles juridiques qui empêchent des producteurs de génériques de produire des vaccins. Ce qui aurait permis, entre autres, de casser leur prix artificiellement gonflés par Pfizer et Moderna, et in fine d’augmenter la production et la distribution de vaccins dans les pays en développement.
L’Union européenne a créé une diversion en proposant dans un premier temps une contre-proposition au waiver, un statu quo qui reformulait les dispositions sur les licences volontaires et obligatoires déjà précédemment prévues. Depuis, elle a soutenu un nouveau texte jugé par la société civile comme encore plus restrictif que la proposition initiale de l’Union européenne. Ce compromis est bien loin de la demande de waiver et ajoute des complexités aux dispositions déjà existantes sur les licences. Il se limite aux vaccins, exclut les autres produits médicaux tels que les traitements et les diagnostics, ne concerne pas l’ensemble des limites liées à la propriété intellectuelle tels que les droits d’auteurs, les dessins industriels et les données non divulguées liées aux technologies médicales. Le compromis introduit des clauses et des obligations supplémentaires pour les États qui souhaiteraient produire les vaccins, comme des limites d’exportation qui signifieraient qu’un vaccin produit en Afrique du Sud ne pourrait pas être exporté dans des pays voisins non-producteurs de vaccin, limitant ainsi la viabilité commerciale de potentiels producteurs africains.
Ces négociations sur le vaccin anti-Covid créent un triste précédent. Celui où, même après une pandémie ayant coûté la vie à plus de 20 millions de personnes et causé le plus fort regain d’extrême pauvreté depuis plus de 20 ans, les pays riches ont refusé d’entendre l’appel des pays en développement et ont fait primer les intérêts d’une poignée de milliardaires du vaccin, véritables profiteurs de la pandémie. Des régions entières sont toujours très peu vaccinées, exposant ainsi la planète à l’apparition de nouveaux variants potentiellement plus dangereux.

Article de Sandra Lhote Fernandes, responsable de plaidoyer santé chez Oxfam France, dans Lignes d’attac de juillet 2022.

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