Soutenir les occupants, déshumaniser les occupés

Depuis le début des évènements à Gaza, la solidarité a pu s’exprimer partout dans le monde, sauf… en France où l’embrasement du débat a pris des proportions inédites : interdiction de manifestations, menace de dissolution du NPA, mise au ban politique de LFI désignée, y compris par le RN, comme antirépublicaine et pro-Hamas…
Jusqu’à présent en France, deux approches de la question palestinienne traversaient les partis politiques et la société civile : gaulo-mitterandiens vs atlantistes (c’est à dire critiques ou alignés sur les positions étasuniennes). Sans jamais avoir rompu avec Israël, la France, depuis De Gaulle, a eu une politique étrangère plus nuancée que nombre d’autres États occidentaux, Mitterrand étant même allé jusqu’à reconnaître l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). […]

Nous assistons aujourd’hui à un consensus pro-israélien effrayant allant de la gauche molle à l’extrême droite. Meyer Habib peut ainsi déclarer que « Marine Le Pen fait désormais partie de l’arc républicain ». L’extrême droite apporte son soutien aux méthodes jusqu’au-boutistes de Netanyahu qu’elle appelle de ses vœux depuis longtemps dans les quartiers.
En parallèle, complotistes et antisémites ne perdent pas une minute : 327 actes antisémites recensés dans les dix jours suivant le 7 octobre, l’attaque du Hamas présentée comme un coup monté… Le groupe d’extrême droite « Lyon populaire » a même fait un parallèle ignoble entre le nationalisme de libération palestinien et le nationalisme français. Rendre acceptable la riposte israélienne ce sera aussi rendre acceptable de futures guerres et répressions françaises.
Mais le fait qu’un antisémitisme persistant à gauche s’exprime également provoque des contradictions et confusions diverses.
Il s’agit de garder nos boussoles claires :
refuser l’essentialisation des populations faisant de tout-e Juif ou Juive un-e partisan-e de la politique coloniale et raciste de l’État d’Israë1 et de tout musulman-e un-e islamiste en puissance. Il nous faut réaffirmer le droit à la résistance contre le colonialisme malgré toute les intimidations et accusations d’antisémitisme – sans laisser entendre que le Hamas, mouvement religieux fondamentaliste, libérera les Palestinien-es, ni que, tout en reconnaissant le droit à la résistance, ses attaques ciblant majoritairement des civil-es sont légitimes, tout en combattant les instrumentalisations racistes, anti-sémites et fascisantes aux conséquences graves.
Enfin, nous devons déconstruire les arguments essentialisant de « guerre de religion » et d’ « importation du conflit », en rappelant que c’est l’Europe qui a importé ses contradictions nationalistes et colonialistes en Palestine. Si quelque chose est importé de là-bas, ce sont des techniques de répressions et des produits des colonies… et donc soutenons la campagne BDS, comme toutes les initiatives venant de ce qu’il reste de la société civile progressiste et des forces sociales organisées en Palestine occupée, comme internationalisme agissant.

Extraits d’un article de Nicolas Pasadena dans le mensuel Alternative Libertaire de novembre 2023.

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