Sortir l’alimentation du marché capitaliste

La responsabilité de l’essor de l’agro-industrie dans notre perte d’autonomie est énorme. On est face à un dispositif agro-industriel qui grossit, grossit, et affame au lieu de nourrir.
C’est complètement aberrant. Et ce, par des logiques de confiscation des richesses et des biens communs, notamment à travers des dispositifs d’aide et de subventionnement.
Évidemment, cela conduit à la perte de l’autonomie alimentaire avec l’essor de la biopolitique telle que la définit Foucault, où nos corps ne font même pas ce qu’on voudrait qu’ils fassent, mais ils œuvrent pour le système capitaliste quoi qu’il arrive.
À ce titre, quand un bénévole se propose pour l’aide alimentaire, finalement il est utilisé à d’autres fins. Ça demande énormément de résistance.
Il en va de même pour l’agriculture, biologique ou non. Elle peut-être détournée dans une logique de profit.
Mais on n’est pas arrivé à cette dépossession d’un coup d’un seul. Chaque choc, chaque crise est une opportunité pour le capitalisme d’affamer un peu plus, et les dispositifs d’aide – ce qui est scandaleux – sont souvent utilisés comme un levier pour mettre en place
des réformes politiques et économiques qui seraient habituellement refusées.
Par exemple, des institutions vont subventionner l’agriculture pour servir à la captation des richesses, à imposer des types de semences, couper les gens de leur souveraineté en choisissant pour eux ce qu’ils doivent cultiver et comment le cultiver. Sinon ils n’auront pas d’aide.
Que ce soit dans l’aide alimentaire ou dans le système agricole, on est sous perfusion. On fonctionne avec des aides qui, par la force des choses, sont devenues conditionnelles et non pas inconditionnelles, et assurent la seule survie.

[…]

Ce qu’on peut identifier c’est une violence structurelle qui assoit l’inégalité. « J’ai de l’argent, je peux bien me nourrir. Je ne le fais pas forcément, mais en tout cas j’en ai les moyens. Si je n’ai pas d’argent, eh bien… je mange des restes (ce que les gens ne veulent pas), je n’ai plus le choix de mon alimentation ». C’est le diktat économique. C’est cette violence structurelle qui nécessite qu’on sorte l’alimentation du marché capitaliste pour la re-socialiser, qu’on puisse avoir la main sur toutes les instances : du semis jusqu’au moment de transformer le produit et de le vendre.
L’État est dans une attitude de « laisser mourir », et non de « faire vivre » et de « préserver les moyens de l’existence ». Il banalise cette vision en déléguant la mission de nourrir les pauvres aux associations. D’ailleurs, sans leur en donner les moyens. C’est vraiment ça qu’il est important de montrer. Cette délégation sans moyens, a des conséquences physiques et psychologiques sur les personnes qui sont parfois irréversibles.

Extraits d’un entretien de Bénédicte Bonzi dans Le chiffon de l’été 2023.

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