Sondages

Comme à chaque élection, et particulièrement lorsqu’il s’agit d’une présidentielle, les résultats des sondages et les commentaires qui les accompagnent ont compté pour une grande partie de la production de l’information sur la campagne électorale.
L’hystérie sondagière continue de s’aggraver d’élection en élection : 193 sondages publiés en 2002, 293 en 2007, au moins 375 en 2012 et plus de 500 cette année. Du 1er janvier au 6 avril 2017, 266 sondages ont été publiés, soit près de 3 par jour. Nous revenons ici sur cette vague record, pour montrer comment on leur fait dire ce qu’ils ne disent pas, ce qu’ils ne peuvent pas dire, et comment l’obsession du score et de la stratégie électorale aboutit à une confusion entre le fait de voter pour un candidat et celui de miser sur sa victoire – comme dans un pari sportif -, au détriment d’un choix politique éclairé par un débat sur les enjeux et les programmes.

Il ne s’agit pas de revenir en détail sur la critique des sondages en général, qui varie selon les caractéristiques des sondages considérés ; nous renvoyons pour ces aspects à l’article de Patrick Champagne « En finir avec les faux débats sur les sondages« . Mais une critique élémentaire suffit à nuancer, sinon discréditer, les interprétations des résultats des sondages électoraux récents dont la grande majorité des médias nous abreuvent, et auxquels la grande majorité des commentateurs s’abreuvent eux-mêmes.

En effet, à lire la page Wikipédia qui recense les principaux sondages électoraux menés depuis janvier dernier, la seule conclusion qu’il soit possible de tirer est la suivante: dans la période la plus récente, quatre candidats semblent recueillir plus d’intentions de vote que les autres. Au-delà de cette donnée à peu près factuelle, le commentariat s’égare dans des interprétations qui méprisent les limites de ce que ces sondages peuvent réellement dire.
[…]
Faisant mine de prendre au sérieux la déroute des sondages lors du référendum britannique sur le Brexit, des élections présidentielles américaines et de la primaire de la droite en France, les commentateurs appliquent une recommandation explicitée dans un article du site Europe1.fr: « Ce qui importe, au final, c’est toujours la lecture que l’on fait des sondages. Et là, experts et sondeurs disent la même chose : ne regardez pas la photo, ni même le chiffre. Ce n’est pas une prédiction, c’est une tendance, c’est l’évolution qui a du sens. Il faut ainsi regarder les courbes, sur plusieurs jours ou plusieurs semaines.

L’absence de portée réelle des variations constatées, compte tenu des éléments évoqués plus haut, n’empêche pas les commentateurs sondagiers de se répandre au kilomètre, épiloguant sans fin sur les variations littéralement vides de sens qu’ils aperçoivent entre le dernier et l’avant-dernier sondage, ou parfois sur des périodes plus longues : ce qui ne résout rien – voire complique encore les choses, notamment du fait de la variété des candidats proposés d’un sondage à l’autre jusqu’au mois de mars.

Sans renoncer au commentaire des sondages, certains médias de presse écrite, voire audiovisuels, ont interrogé et comparé les programmes des candidats. Il reste que domine dans la plupart des médias une présentation « dynamique » qui montre la campagne comme une course de chevaux, pour reprendre une observation faite dès 1980. Et bientôt quarante ans plus tard, le vocabulaire utilisé relève encore massivement du registre hippique.

Dès le 21 février, soit deux mois avant le scrutin, et un mois avant l’officialisation des candidatures, L’0bs met en ligne un article titré « Sondage. Fillon repasse devant Macron, Mélenchon rattrape Hamon ». […]

Extraits d’un article de Médiacritique(s), magazine trimestriel d’Acrimed (numéro de juillet-septembre 2017).

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