Rééduquer les jeunes délinquants

Certains fantasmes éducatifs ont la vie dure. Régulièrement la droite (mais Ségolène Royal n’avait pas été en reste) propose de rééduquer les jeunes délinquants lors de stages encadrés par des militaires.
Ce concept simpliste repose sur l’idée que l’armée et ses méthodes dites dures alliant obéissance et règles de vie collective vont soumettre les plus rebelles. La droite en a rêvé, le général Dupond-Moretti a obtempéré, le doigt sur la couture du futal.
Rappelons d’abord que l’armée moderne est un engagement de la part des jeunes recrues, ce n’est plus une obligation ou une contrainte.
La pédagogie de l’armée repose sur cet engagement.

Le troufion connaît la règle militaire et accepte de s’y plier. Il y va de son propre chef, ce qui ne sera pas du tout le cas des fameux délinquants.
Second écueil, l’armée n’est pas la vraie vie. On y subit la même pathologie qu’à l’hôpital ou en prison, à savoir l’hospitalisme, cette habitude d’être servi, d’avoir sa vie organisée, de perdre tout sens de l’initiative et qui rend incapable de se prendre en charge en sortant de ces lieux d’enfermement.
La vie en caserne, c’est l’inverse exact d’une démarche d’insertion et de quête d’autonomie.
Les politiques, du haut de leurs perchoirs, imaginent que les jeunes dans le passage à l’acte délictuel ont manqué de sévérité éducative et sont victimes de parents laxistes mais l’observation montre le contraire.
Ces gamins sont plutôt victimes d’éducation dure, où les privations, les sanctions, morales et physiques, se sont multipliées et chez qui la crise est avant tout existentielle et familiale. Ils ne craignent ni la violence institutionnelle ni la violence hiérarchique, ils sont blindés.
Enfin, nous avons mille témoignages sur les bagnes militaires d’enfants découverts en Roumanie, en Pologne et ailleurs à la chute du mur de Berlin. Les délinquants y étaient élevés à la dure. Un vrai bonheur de pédagogie fasciste. Résultats : ces jeunes cassés ont nourri les rangs des mafias des pays de l’Est et en ont tellement bavé adolescents que plus rien ne les émeut.

Article d’Étienne Liebig dans Siné mensuel de mars 2023.

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