QR code et surveillance généralisée

Ce qui était inimaginable il y a quelques mois est devenu une scène ordinaire. Pour monter dans un train, rendre visite à un proche en maison de retraite, entrer dans un hôpital, un cinéma, une salle de concert, prendre le moindre café, il faut désormais dévoiler son identité et ses données de santé. De simples citoyens en contrôlent d’autres, en permanence, et ceux qui n’ont pas le précieux sésame sont exclus. Des employés évincés. Des enfants privés d`activités de loisirs.

La fin du secret médical et l’exposition de données personnelles, l’extension inouïe de la surveillance de la population et la ségrégation mise en place transforment profondément la vie quotidienne : « conditionner l’accès à de nombreux lieux, établissements, événements ou moyens de transport à la justification de son état de santé », c’est « inédit », a alerté Marie-Laure Denis, présidente de la Commission nationale informatique et libertés. Et cela crée un précédent : « Il y a un risque certain d’accoutumance à de tels dispositifs de contrôle numérique, de banalisation de gestes attentatoires à la vie privée, de glissement, à l’avenir et potentiellement pour d’autres considérations que la seule protection de la santé publique […], vers une société où de tels contrôles seraient la norme et non l’exception.
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Avec le QR code généralisé aux humains, le monde est bel et bien devenu une marchandise. Le modèle chinois, des sénateurs s’en réjouissent : « il s’agit d’un outil qui pourrait désormais être activé facilement à l’occasion d’une nouvelle crise sanitaire : c’est donc un grand progrès ». L’instauration de tels « outils contraignants » et discriminatoires, qui conditionnent « l’accès à certains lieux et à certaines activités », cela leur paraît « une bonne nouvelle ».
Ce sont les mots, sans ironie aucune, de Véronique Guillotin, Christine Lavarde et René-Paul Savary. Leur rapport de prospective Crises sanitaires et outils numériques : répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés est une sorte de mode d’emploi pour l’instauration d’une parfaite tyrannie techno-sanitaire.

Au nom de « l’efficacité », mot d`ordre de toute société technicienne, nos parlementaires appellent à mettre en place les technologies les plus liberticides. Ils préconisent de « recourir bien plus fortement aux outils numériques dans le cadre de la gestion des crises sanitaires ou des crises comparables (catastrophe naturelle, industrielle etc.), notamment en vue de contrôler au niveau individuel le respect des mesures imposées par la situation, et y compris si cela implique d’exploiter des données de manière intrusive et dérogatoire ».
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Pour ces apprentis despotes, la gestion de la pandémie n`est qu`un
« avant-goût ›› : « c’est à la fois la première fois que le numérique est autant mobilisé, et sans doute la dernière fois où il le sera aussi peu. » Le numérique doit permettre de contrôler l’application des assignations à résidence, des couvre-feux, des confinements, en recoupant « trois types de données : données d’identification, données médicales, et données de localisation ».
Suivi par GPS, géolocalisation des portables, utilisation des données des antennes GSM « pour repérer des attroupements ou des rassemblements trop importants, permettant le cas échéant d’intervenir », « contrôle des déplacements », « bracelet électronique pour contrôler le respect de la quarantaine », « détection automatique de la plaque d’immatriculation par les radars », applications de traçage des contacts, « contrôle des fréquentations », « contrôle des transactions, permettant par exemple d’imposer une amende automatique », « utilisation de drones ou de caméras thermiques », reconnaissance automatique d`images par la vidéosurveillance (par exemple pour détecter le port du masque), exploitation des données d’objets connectés (balances connectées, thermomètres connectés…), « exploitation automatisée du dossier médical de chaque individu » et même des « données génétiques »… Tout y passe.

Les sénateurs réclament l’interconnexion des fichiers et la constitution de gigantesques bases de données personnelles, traitées par l’intelligence artificielle. Pour eux, le numérique doit permettre « un ciblage précis, individuel et en temps réel des mesures ou des contrôles ». Avec les données collectées par des opérateurs de téléphonie, des fournisseurs d’accès à internet, des firmes comme Facebook ou Google, etc., on pourrait par exemple « déterminer si un individu se rend au travail ou plutôt chez des amis ou de la famille, s’il exerce une profession “essentielle” lui permettant de sortir de chez lui ou non, s’il a récemment eu des conversations privées au sujet de l’organisation d’une soirée rassemblant plus de dix personnes, ou s’il a effectué des achats en vue d’une telle soirée ».

Extraits d’un article de Pierre Thiesset dans le journal La Décroissance d’octobre 2021.

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