Police et démocratie

Passé presque inaperçu, le rapport du Défenseur des droits sur la doctrine du « maintien de l’ordre au regard des règles de déontologie » remis le 10 janvier au président de l’Assemblée nationale, mérite qu’on s’y arrête un instant.
Il faut dire que pour ce qui est de la police, l’ambivalence règne : héroïsée au nom de la lutte antiterroriste, elle est détestable quand elle brutalise, humilie, blesse, voire tue. Il était plus que temps d’ouvrir un débat public…

Dans une mutation sémantique qui dit beaucoup de notre époque, les « gardiens de la paix » sont depuis quelques années maintenant appelés les « forces de l’ordre ». En 1986, leur code de déontologie stipulait que « la police nationale concourt à la garantie des libertés individuelles » et « s’acquitte de sa mission dans le respect de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, puis de Manuel Valls, un nouveau code a supprimé cette référence aux libertés individuelles. Jacques Toubon ne le dit pas mais s’arrête sur ce que cette évolution – durcie encore par les lois sécuritaires de 2015 à 2017 – a entraîné. Au-delà du « professionnalisme reconnu des agents spécialisés en maintien de l’ordre », les auditions qu’il a effectuées (une quarantaine) et les cas dont il a été directement saisi dessinent un tableau inquiétant.

Les tensions, accidents et violences de ces derniers temps ne peuvent être mis sur le dos des seuls « autonomes » et « casseurs » aux méthodes de vandales. On constate de graves carences dans le système de formation, des entorses manifestes par certaines unités aux principes de « retenue » et de « mise à distance », un surarmement qui fait de nos bleus de vrais Robocop, le recours à des techniques d’interpellation et, surtout, à des armes dangereuses.

À côté d’un « malaise policier » (nourri par l’instrumentalisation politique de la police et un épuisement des agents sur le terrain), se répand un « sentiment d’impunité à l’égard des manquements imputés aux forces de l’Ordre ».
Les propositions du Défenseur des droits sont bienvenues : former, contrôler, désarmer (partiellement) et humaniser la police. À l’instar d’autres pays européens, si l’on en croit le rapport. Une utopie républicaine ? Voire… Car lorsque la police – aux pouvoirs désormais exorbitants en France – dévie, notre démocratie s’abîme.

Article de Pouria Amirshahi dans l’hebdomadaire Politis du 18 janvier 2018.

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