Personne ne souhaite votre bonheur

Ce qui est étonnant chez cet ex-ministre de l’Éducation (Luc Ferry, passionné d’automobiles de sport), c’est que si, pour lui, « there is no alternative »,comme dirait son mentor Margaret Thatcher, il lui arrive que quelques éclairs de lucidité lui fassent percevoir les impasses de la société de consommation : « Plus vous avez une vie intérieure riche, plus vous êtes structurés par des valeurs non seulement morales, mais culturelles et spirituelles stables et fortes, moins vous éprouvez le besoin de consommer à tous propos », écrit-il par exemple page 12 (dans son livre « L’innovation destructrice »).
Pour lutter contre ce frein à la croissance, le philosophe donne la solution aux lecteurs du figaro : la « désublimation répressive ». Un moyen employé par les publicitaires consistant à déconstruire les valeurs traditionnelles, « (là où est la « désublimation ») pour que nous, et surtout nos enfants, nous puissions entrer dans la logique infinie de l’hyper-consommation de masse (là est la « répression »). »
En effet, comme le rappelle Octave, le héros publicitaire du célèbre livre de Frédéric Beigbeder 99 francs : « Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas. Votre souffrance dope le commerce. » Le métier des employés de la philosophe médiatique et propriétaire de l’agence de pub Publicis, Élisabeth Badinter, est donc d’abord de rendre les gens malheureux ; il s’agit de créer un vide que le publicitaire proposera ensuite de venir combler par la consommation. Bien sûr, c’est de la publicité que vivent les journalistes des grands médias qui célèbrent les essais libéraux et écolophobes de l’héritière de Marcel Bleusten-Blanchet, fondateur de Publicis.
Luc Ferry et consorts sont donc d’autant plus coupables qu’ils décrivent par le menu la déréliction où nous envoie la société de consommation.
Mais pour le philosophe du Figaro, il faut nous résigner, nous soumettre : la remise en cause du capitalisme, du productivisme et des voitures de sport est impossible sauf à nous envoyer droit au goulag. Il ne resterait donc que deux paramètres sur lesquels jouer : le premier étant « la piste démographique. Nous sommes trop nombreux et nous sommes surtout trop nombreux dans le système capitaliste » (p. 62). Ce qui prouve à nouveau que l’on peut parfaitement être écolophobe ET malthusien. Ensuite la nouveauté qui innove le Progrès car : « Je pense que l’innovation sauvera le monde » (p. 62). C’est bien connu : la science pervertie en religion fanatique permettra de nous affranchir des lois de la biophysique.

Extraits d’un article de Vincent Cheynet dans le journal La Décroissance de juillet-août 2014.

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