Obésité et produits chimiques

En France, l’obésité fait chaque année 180 O00 morts, du fait de ses multiples complications cardiovasculaires, sans compter le diabète et l’affaiblissement des défenses immunitaires. Pour le Réseau environnement santé, si l’épidémie de Covid était survenue à la fin des années 1990, quand le taux d’obésité était moindre, elle aurait entraîné près de deux fois moins de décès en France.

D’ici 15 ans, le quart de la population française pourrait souffrir d’obésité – contre 17 % aujourd’hui -, avec une prévalence deux fois plus forte chez les catégories socioprofessionnelles les plus modestes. Les facteurs d’obésité systématiquement mis en avant sont connus : les mauvais comportements alimentaires et la sédentarité, notamment le temps consacré aux écrans à décérébration accélérée. Il est toutefois problématique que seules ces causes soient mises en avant par l’État dans ses politiques de prévention et son Programme nutrition santé, lancé en 2001 et reconduit jusqu’à la fin de 2024, dont les « dix mesures phares » reposent essentiellement sur la « promotion de nouvelles recommandations nutritionnelles » et la pratique sportive. Curieusement, le rôle de la croissance exponentielle des substances dites « obésogènes » dans notre environnement demeure largement ignoré par les pouvoirs publics au chevet de notre santé.

L’affaire est pourtant documentée par nos brillants scientifiques. L’action de certains perturbateurs endocriniens, s’attaquant à la sécrétion de nos hormones, est bien connue avec une particularité très inquiétante : l’obésité tend à devenir héréditaire. Chez les souris de laboratoire comme chez les humains : « les cohortes d’enfants exposés au distilbène révèlent trois fois plus d’obésité et de diabète à l’âge adulte. Chez l’animal, on constate que les enfants ou descendants deviennent obèses jusqu’à la troisième ou quatrième génération ». C’est ce qui explique que l’obésité apparaisse désormais chez des enfants de moins de 5 ans, qui – pour la majorité d’entre eux – bougent beaucoup ! La plasturgie, avec ses milliards d`objets et d’emballages – notamment alimentaires – produits à base de bisphénol A, est au premier rang de l’intoxication des Français. Mais les polluants organiques persistants, comme les pesticides, qui modifient la biologie des tissus graisseux et provoquent des dérèglements métaboliques conduisant à l’obesité, jouent aussi un rôle majeur.

Face à une menace aussi vitale, nos lecteurs ne seront sans doute pas surpris de constater que la société industrielle ne met pas scrupuleusement en place des politiques visant à supprimer l`origine des troubles. La raison en est simple : la croissance économique, « la réindustrialisation pour relever le pays » (version CGT ou Macron), n’y survivrait tout simplement pas. Grande était donc la naïveté des ONG qui voyaient un « tournant historique » dans l’adoption du règlement REACH, dotant l’Union européenne de la « législation la plus avancée au monde en matière de réglementation des substances chimiques ».
Patatras, six mois plus tard, les voilà pleurnichant que « la Commission européenne reportait [en fait enterrait] la réforme, soulevant de sérieux doutes quant à sa prise de conscience et de l’urgence du problème ». Peut-on vraiment envisager une expansion industrielle sans limite sans pollution chimique ?
Peut-on réduire drastiquement l’usage de pesticides avec bientôt 1 % d’agriculteurs dans la population active ? La réponse est non. Que faire alors ? Polluer davantage encore ! Mais cette fois pour le bien commun : la production industrielle de médicaments, sa chimie et sa plasturgie.

Début d’un article de Denis Bayon dans le journal La Décroissance de février 2024.

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