Maintenir les foules dans l’angoisse et la soumission

Devant la raréfaction des ressources naturelles, l’effondrement de la biodiversité, le dérèglement climatique et autres joyeusetés, les écologistes ne cessent d’alerter depuis plus de quarante ans sur la perspective d’un effondrement généralisé. Les oiseaux de mauvais augure sont aujourd’hui rejoints par les institutions internationales, dont les rapports sur les impasses de la croissance sont de plus en plus accablants. Mais rien n’y fait. Nous poursuivons obstinément notre marche en avant, œillères sur les cotés. Ultime bouée restant aux plus optimistes des alarmistes : la « pédagogie des catastrophes ».
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Les Cassandre type Club de Rome ont été raillées dans un premier temps, par les gardiens du capitalisme comme par les communistes de Marchais. Aujourd’hui les prévisions les plus sombres sont officiellement admises, de rapports du Giec en sommets de la Terre. Mais le business continue, as usual. La concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère dépasse déjà des seuils fatidiques et nous dirigent droit vers un réchauffement aux conséquences dramatiques ? On persiste gaiement à brûler du pétrole, à ouvrir des mines de charbon. On exploite des gaz de schiste, on dévaste l’Alberta pour racler des sables bitumineux, on espère que la fonte de l’Arctique permettra d’exploiter de nouveaux puits et d’ouvrir de nouvelles voies commerciales, on cultive des agrocarburants, on tord la Terre-éponge jusqu’à la dernière goutte.
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Quant à la « crise » économique actuelle, dont on ne vit que les prémisses, suscite-t-elle une remise en cause radicale ? Voit-on les économistes cloués au pilori ? Au contraire, leur emprise est toujours plus totale. L’indicateur sacré qu’est le PIB reste omniprésent. À l’unisson, les partis entretiennent les « espoirs chimériques » de la croissance, à base de relance ou de chocs de compétitivité. Et les consommateurs frustrés réclament du pouvoir d’achat. L’essayiste Naomi Klein a montré, dans son livre « La stratégie du choc » paru en 2008, comment le libéralisme avançait en profitant des désastres, situations d’effroi qui annihilent les résistances. Ses analyses ont été confirmées depuis : dans toute l’Europe les privatisations s’accélèrent, les services publics sont démantelés, le droit du travail est attaqué, la sécurité sociale malmenée, pendant qu’explosent les inégalités, la précarité et le chômage. S’il y a bien une pédagogie des catastrophes, elle est utilisée par les gouvernements pour maintenir les foules dans l’angoisse et la soumission.

Extraits d’un article de Pierre Thiesset dans le mensuel La Décroissance de septembre 2014.

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