Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Macron spécule
Emmanuel Macron spécule sur une opinion publique lasse des conservatismes et de l’immobilisme. Depuis huit mois, il parvient avec un certain bonheur à incarner le « mouvement ». Sa chance est de venir après une drôle de dynastie : un « roi fainéant », un matamore et un tartuffe se sont succédé à l’Élysée… La question est de savoir si la société est à ce point avide de changement qu’elle est prête à tout accepter. C’est le grand défi des syndicats que de montrer dans quelle sorte de changement veut nous entraîner Emmanuel Macron. L’enjeu, on l’a dit, c’est l’affaiblissement des corps intermédiaires, et la relégation de la représentation parlementaire, court-circuitée par les ordonnances. Et c’est la liquidation de l’idée même de service public.
La réforme proposée par Jean-Cyril Spinetta est vertébrée par deux principes exclusifs : la rentabilité et la concurrence. D’où une privatisation rampante dans un secteur d’activité qui s’apparente à ce qu’on appelle un monopole naturel. Autrement dit, qui ne peut s’accommoder ni de la concurrence ni de la recherche de profits. Tout opérateur privé arrivant sur ce marché aura en effet tendance à s’emparer des segments les plus rentables en délaissant les autres (l’entretien du réseau par exemple), et à se payer sur la bête, en l’occurrence l’usager, pour réaliser ses profits.
Au cœur du conflit qui se profile, il y a évidemment le statut des cheminots, qui correspond exactement à ces notions de monopole naturel et de service public. L’offensive gouvernementale est malsaine en ce qu’elle cherche à diviser nos concitoyens. On l’a bien vu lorsqu’au Salon de l’agriculture Emmanuel Macron a opposé la situation des cheminots au sort des agriculteurs privés de retraites.
Aujourd’hui, apparemment, ce discours démagogique fonctionne : 69 % des Français seraient favorables à la suppression du statut. A-t-on conscience que des opérateurs privés se comporteront ici
comme ailleurs, en pratiquant la mise en concurrence salariale, la précarisation, et feront de la condition des futurs cheminots une variable d’ajustement budgétaire. Ce qui n’est rassurant pour personne. En attendant, beaucoup de commentateurs tombent en pâmoison devant le sens tactique de Macron.
La Blitz Kríeg engagée par l’exécutif force leur admiration. Mais les enjeux ont une tout autre dimension. Aux syndicats et à la gauche politique d’en convaincre une opinion gavée de discours gestionnaires.
Seconde moitié de l’éditorial de Denis Sieffert dans l’hebdomadaire Politis du 01 mars 2018.