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L’État contre les associations
Contre-pouvoir essentiel en régime démocratique, les associations politiquement engagées subissent les assauts de l’État et de collectivités territoriales bien décidés à les faire taire. Antonio Delfini et julien Talpin recensent et dénoncent ce bâillonnement croissant dans L’État contre les associations – Anatomie d’un tournant autoritaire.
Soulèvements de la Terre, Collectif contre l’islamophobie en France, Nantes révoltée, Ligue des droits de l’Homme, etc. Autant d’associations récemment menacées ou dissoutes par un État accro à la répression des idées divergentes. Parmi le million et demi d’assos existantes en France sont visées celles qui secouent les puces d’une démocratie vacillante. Les collectifs de pétanque ou de soutien aux hérissons peuvent dormir sur leurs deux oreilles, pas les contempteurs du pouvoir en place.
L’État contre les associations (Textuel 2025) commence par rappeler l’étendue des régressions démocratiques : des attaques contre les minorités à la pérennisation de certaines mesures de l’état d’urgence depuis les attentats de 2015, du consentement à l’ordre néolibéral à la multiplication des 49.3, ce fumet puant l’ autoritarisme se diffuse tous azimuts, de haut en bas. « [Il existe] un continuum entre les formes les plus dures de la répression de la contestation et ses modalités plus insidieuses, et plus largement de la croissance des entraves aux libertés associatives ces dernières années », rappellent Antonio Delfini et Julien Talpin.
Pour dernier avatar de cette dérive, la loi séparatisme votée fin 2021, qui assène une double peine au champ associatif : l’extension des motifs de dissolution administrative et l’obligation de signer le contrat d’engagement républicain (CER), fourre-tout menaçant les structures se réclamant de l’antiracisme, de l’antifascisme ou de la lutte contre l’islamophobie. Un exemple entre mille, l’ASTI, une association de la banlieue de Rouen créée en 1972. Dédiée à la défense des droits des immigrés et multipliant les initiatives telles que l’accompagnement de femmes victimes de violences, elle s’est vue sucrer nombre de subventions après les admonestations de la préfecture de Seine-Maritime. La raison : un texte répondant à l’assassinat de Nahel Merzouk en août 2023 et dénonçant la « violence de l’État contre les personnes racisées ». Pas dans les clous du CER… Un cas qui démontre que les attaques contre les associations ne passent pas uniquement par la dissolution, mais se traduisent aussi par des formes de disqualification (les Soulèvements de la Terre accusée d’ « écoterrorisme ») ou par des entraves financières.
Issu de cinq années d’enquête au sein de l’Observatoire des libertés, l’ouvrage souligne qu’on est passés de « la répression de la violence à la police des opinions ». Pas excessivement fun mais précieux, il ne se contente pas de tirer la sonnette d’alarme, proposant des pistes pour revitaliser une société civile menacée d’extinction de voix. Les dissolvants ? Une association de malfaiteurs démocratiques.
Article d’Émilien Bernard dans le mensuel CQFD d’octobre 2025.