Les méthodes de la coordination rurale

Connus pour leurs méthodes musclées, les « bonnets jaunes » ne travaillent pas dans la dentelle. En 2023, Marine Tondelier, secrétaire nationale d”Europe Écologie-les Verts, en avait fait les frais. Arrivée en gare de Marmande après bien des avanies, l’élue écologiste s’était trouvée bloquée par un comité d`accueil chauffé à blanc par la médiatisation de son soutien aux opposants aux méga-bassines de Sainte-Soline, avant que les militants de la « CR47 » épandent du lisier sur la fontaine municipale. Alors qu’elle avait déjà été contrainte d’annuler une rencontre à Villeneuve-sur-Lot, sur le thème de la désertification médicale, son bref séjour à Marmande s’est effectué sous la menace physique et les quolibets. Selon les dires de la principale intéressée, le président de la chambre d’agriculture en personne, Serge Bousquet-Cassagne – connu sous le sobriquet de « Bousquet-Castagne » – n’aurait pas hésité à cette occasion à filer la métaphore volaillère.

Il faut d’ailleurs reconnaître que cet ancien joueur de rugby ne manque ni d’imagination, ni de suite dans les idées. Deux décennies plus tôt, par solidarité avec un automobiliste adhérent de la CR47 mort dans une collision avec un platane, avec les copains, il avait procédé à l’abattage des arbres tueurs bordant la route départementale. En 2001, « Dieu » – comme on le surnomme aussi – n`avait pas hésité à occuper la préfecture pour demander la venue d’ouvriers agricoles polonais et marocains, qualifiant de « bras cassés  » les chômeurs français du département. Trois ans plus tard, ce producteur de mais et de pruneaux apportait son soutien à un agriculteur qui avait tué les deux inspecteurs venus contrôler les conditions de travail de saisonniers étrangers. Et en juin 2024, lors d’une assemblée syndicale, il appelait à mettre le « Code du travail à la poubelle » durant la campagne électorale. Sans parler de la construction illégale du barrage de Caussade, ni de l’envoi de commandos à Sivens pour casser du zadiste, ce singulier palmarès illustre à merveille les propos de Véronique Le Floc’h, la présidente nationale de la CR : « je préfère voir un de mes gars faire une connerie tant qu’il n’y a pas mort d’homme plutôt que d’avoir quelqu’un au bout d’une corde. »

En attendant, ce sont les quelque 3 000 agents (dont 1 700 inspecteurs) de l’Office français de la biodiversité (OFB) qui en font les frais. Passent les traditionnels déversements de fumier, déchets, pneus, pierres, barbelés, couches souillées ou carcasses de sangliers ; les banderoles qualifiant ces gardes-champêtres, gardes- chasse et gardes de l’environnement du XXIe siècle, de « fascistes », « vermines », « cow-boys », « nuisibles » ; les véhicules de service endommagés, les jets d’œufs, l’entrée des bâtiments murée…
Un cap a été franchi en octobre dernier. Rentrant d`une réunion à la chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne portant sur les contrôles dans les exploitations agricoles, le représentant de l’OFB s’est vu contraint de garer sa voiture sur le bas côté. Les cinq écrous de la roue arrière gauche avaient été retirés. En novembre, à Guéret (Creuse), des agriculteurs ont forcé la porte de l’OFB, saccagé les locaux et détruit nombre de dossiers. Le secrétaire général de la Coordination rurale, Christian Convers, réclame le démantèlement de l’OFB et le désarmement de ses agents. Lors d’une réunion publique, le 20 janvier 2025, il va plus loin : « Une voiture de l’OFB qui entre dans une exploitation sera brûlée sur placez. »

Difficile de ne pas mettre en relation ces menaces avec les propos du Premier ministre, six jours plus tôt, lors de sa déclaration de politique générale : « Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fosses ou les points d’eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation, donc une faute. »

Extrait d’un article dans le journal La Décroissance de mars 2025.

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