Les communs : le partage comme alternative au business

Première femme à recevoir le prix Nobel d’économie en 2009, Elinor Ostrom a fait passer Margaret Thatcher pour une menteuse. There is no alternative. Ah non, vraiment ? À la célèbre maxime de la Dame de fer, la chercheuse américaine oppose une réalité : l’efficacité des communautés auto-organisées autour du partage des ressources. Villageois suisses, paysans népalais, pêcheurs du Maine ou de l’Antalya turque sont des commoners, ils gèrent ensemble les ressources de la Terre comme des biens communs. Avec l’avènement d’Internet, d’autres commoners sont apparus : militants du logiciel libre, contributeurs de Wikipédia, ils ont transformé le Web en nouveau bien commun. Aujourd’hui, les commoners sont partout, prêts à en découdre avec le capitalisme. Ces résistants ont les traits d’un groupe de retraités qui taillent les rosiers du jardin partagé au coin de la rue ou d’une bande d’ingénieurs qui construisent la première voiture collaborative en open source.
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Les communs existent dès lors qu’une communauté ou un groupe décide de gérer une ressource de manière collective, avec en vue un accès à celle-ci et une utilisation équitables et durables, définit David Bollier, l’un des théoricien du mouvement, dans La renaissance des communs. Matériels ou immatériels, locaux ou mondiaux, les communs des pêcheurs turcs ou ceux des wikipédiens échappent autant à la loi du marché qu’aux lois de l’État. Les seules règles qui vaillent sont celles négociées au sein de la communauté, pour la simple et bonne raison que chacun a eu son mot à dire et gagne davantage à les respecter qu’à les transgresser. Qui mieux que les premiers concernés sont les plus à même d’organiser et de réguler l’usage d’une ressource ? Certainement pas le marché et malheureusement pas l’ État non plus, cette grosse machine trop lourde, trop lente et bien trop soumise aux intérêts des grandes entreprises.
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Pour autant, les partisans des communs ne sont ni des anarchistes ni des communistes. S’ils valorisent l’autogestion, ils exigent également que l’État joue un rôle dans la protection des communs, sans pour autant confisquer les ressources ou moyens de production.
Des alliances avec un communisme nouveau qui tirerait le bilan des dictatures sont possibles dès lors que le fonctionnement « de bas en haut » deviendrait la règle… comme il l’était au début du communisme du XIXe siècle, suggère Hervé Le Crosnier, chercheur à l’université de Caen et membre de l’association Vecam qui s’attache à faire connaître le mouvement dans le monde francophone.
Depuis le XIXe siècle, la pensée politique est binaire, déplore la présidente de Vecam, Valérie Peugeot. Si la droite est au pouvoir, la priorité est au marché et à la propriété privée ; si c’est la gauche, elle va favoriser le secteur public. Ce n’est jamais qu’une question de dosage ou une alternance des deux. Les communs sont une alternative.

Soit. Mais s’il était si facile de faire du commun, pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? L’histoire des biens communs est intimement liée à celle du capitalisme qui n’a eu de cesse d’en faire des marchandises, remarque Hervé Le Crosnier.

Extraits d’un article de Léa Gasquet dans Siné mensuel d’octobre 2015.

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