L’enquête publique expliquée simplement

– Officiellement, ça doit permettre à tout le monde de s’informer et de s’exprimer librement sur le projet. Le dossier est consultable et fournit des pièces légales, des études, des plans. Un commissaire enquêteur est désigné par le tribunal administratif pour organiser la consultation et rédiger un rapport qui tient compte des oppositions… mais qui sert surtout à les écarter une à une. Si bien que l’enquête publique se conclut dans une immense majorité des cas en faveur du projet.

L’enquête publique est donc surtout une mise en scène, un exercice rhétorique pour neutraliser le débat et désamorcer les critiques, tout en manifestant le caractère indiscutable du projet. Une fabrique du consentement, en somme. Tiens, y a ce livre qui vient de paraître qui raconte très bien à quel point les enquêtes publiques sont une parodie de démocratie : Inutilité publique.

– Bon on peut quand même aller voir, ça coûte rien. Et puis si on commence à être nombreux à critiquer le projet, ils vont bien être obligés de tenir compte de nos remarques, voire d’annuler la construction de l’échangeur, non ?

– Pas du tout Papa. L’enquête publique n’est pas un référendum. Le commissaire enquêteur est invité à « fonder ses conclusions et son avis sur la valeur des arguments présentés et non sur leur nombre ». Vous pourriez être à 1 000 contre 1, ça ne changerait malheureusement pas grand-chose.

– En plus si on commence à trop l’ouvrir je vois déjà le maire et tout le conseil venir nous sermonner « nianiania ça va créer des emplois, à quoi vous jouez ? »

– Argument classique, et souvent repris en chœur par les promoteurs, l’administration et les élus locaux – qui font souvent front uni sur ces questions d’aménagement. Construire des trucs, mêmes inutiles ou écocidaires, ça permet de montrer qu’on agit pour le territoire et son attractivité Mais n’hésitez pas à regarder en détail dans le dossier : ce genre d’argumentations ne sont la plupart du temps pas du tout étayées et fondées sur des spéculations. Pis : elles ne prennent en compte que la création nette d’emplois, en omettant sciemment la destruction d’autres activités que le projet risque d’occasionner

– Ouais mais ça c’est la vie, c’est la concurrence…

– On peut penser ça. Mais on peut aussi se dire que si un hypermarché ou un entrepôt Amazon détruit plus d’emplois qu’il n’en crée (ce qui est pour le coup appuyé par de nombreuses études), s’il génère de la pollution de l’air et des nuisances sonores à cause du trafic automobile, quel intérêt y a-t-il alors à les construire, en dehors de donner des contrats aux entreprises de BTP ? Autant garder des centres-villes dynamiques avec des commerces de proximité plutôt que d’aller bétonner toute la campagne alentour, non ?

Extrait d’un article de Clément Quintard dans Socialter de février 2023.

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