Le roi Macron

Ubu froid

« Je ne suis que l’émanation du goût du peuple français pour le romanesque » (Emmanuel Macron dans la Nouvelle revue Française)

C’est entendu : la pratique du pouvoir rend fou, mégalo, idiot, malfaisant et carrément laid. Cela s’est tant vérifié au cours de l’histoire récente que notre capacité à encaisser les pires sorties médiatiques s’en est trouvée solidement renforcée. Il arrive pourtant que l’on tombe sur une déclaration tellement absurde qu’elle suscite l’étonnement, voire la sidération. Ainsi de cette sortie du Président des lisses, expliquant que le peuple français l’aurait choisi pour sa dimension « romanesque ». Et de tartiner longuement et ô combien platement sur son amour des Lettres (poussiéreuses, de préférence).

Au-delà des questions évidentes que suscite cette déclaration – a-t-il fumé la moquette élyséenne ? Est-il un agent provocateur à la solde du Zbeulistan (*) ? –, elle a le mérite d’illustrer l’absolue déconnexion entre les élites au pouvoir et leurs supposés administrés. Macron se voit comme un personnage « romanesque » alors même que le moindre comptoir de PMU ou pilier de grève tombera d’accord sur un point : ce gonze est par définition un robot sans âme, l’archétype du technocrate libéral vidé de toute substance humaine, marionnette sautillant dans le néant. Comme l’a dit Sarkozy : « Macron, c’est moi en mieux ». Comprendre : en pire.

« Les Français sont malheureux quand la politique se réduit au technique, voire devient politicarde », a ajouté l’enflé, ses chevilles si gonflées qu’elles empiètent visiblement sur son cortex frontal. « Ils aiment qu’il y ait une histoire. J’en suis la preuve vivante ! » Face à un aveuglement si éclatant, qu’illustre largement la politique répressive et antisociale de cet Ubu froid, grandit l’espoir d’un plantage en bonne et due forme. L’histoire en cours, n’en déplaise à sa seigneurie, est bien du côté de la rue, de cette révolte qui couve à tous les coins de l’Hexagone, des amphis au bocage, des manifs aux occupations.

On balancera donc aux ordures sans hésiter son mauvais roman national, politicard et faussement « disruptif », peuplé d’un jargon imbitable, pour se focaliser sur la seule littérature qui vaille, celle qui n’a pas abdiqué toute prétention en matière d’imaginaire et se nourrit d’étincelles. Notre pavé dans sa mare croupie.

(*) Zbeulistan : pays du « zbeul », coqueluche linguistique des insurgés de Tolbiac (entre autres), dont on serait bien en peine de fournir une définition. Disons que cela renvoie à une effervescence révoltée, emplie d’étincelles et d’envolées éthylo-bakouniennes. Mantra : « Sweet dreams are made of zbeul ».

Édito du mensuel CQFD de mai 2018.

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