Le droit au bricolage

Les braves gens se méfient du bricolage. Ils préfèrent s’en remettre à l’industrie, aux productions conformes aux règles et aux normes, qui tournent sans entretien et sans effort. Ils doutent du bricolage tâtonnant, cracra, aux fils apparents. Pourtant, ces innovations ordinaires sont le premier pas (de côté) vers la bifurcation. La bretelle de sortie de l’autoroute du productivisme.
En 1962, dans La science du concret, Claude Lévi-Strauss décrit comment la « logique bricoleuse » de tâtonnement approximatif s’oppose à la « logique d’ingénieur » de planification performative. Le bricolage inverse la logique productiviste : la fin ne justifie plus les moyens. Mais ce sont les moyens (limités) qui commandent. On fait avec ce qu’on a sous la main. La créativité contre la tâcheronnisation. La quête du « suffisamment bon » contre l’optimisation. Prendre le temps. Le temps de connaître et maîtriser « les artefacts que nous habitons » (M.B.Crawford). « Ça va comme ça » : la philosophie de la sobriété a trouvé son slogan. C’est une résistance au diktat du néo-management, dont l’historien Johann Chapoutot nous apprend que le père n’est autre qu’un officier nazi nommé Reinhard Höhn.
« La technique s’est emparée du monde. Partout bruit, raison, calcul, fureur. »(Sylvain Tesson, Avec les fées) Revendiquons le droit au bricolage, à l’imperfection volontaire, comme rempart à la virtualisation du sensible !

Edito du Low tech journal de janvier 2025.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *