Le complotisme

6 janvier 2021 : QAnon explose à la face du monde. Ce jour-là, des hommes et femmes qanonistes, alliés à l’extrême droite des Proud Boys, attaquent le Capitole de Washington, porteurs d’un discours pour le moins confus. Une certitude : ils ne sortent pas de nulle part. Depuis quelque temps déjà, les observateurs du champ politique américain assistent, médusés, aux manifestations bizarres du mouvement QAnon, avec ses slogans passablement allumés : « Libérez les enfants ! », « Faites confiance au Plan ! », « Arrêtez l’adrénochrome ! ». Cerise sur l’absurde, avant même l’attaque du Capitole, une hypothèse étonnante commence à circuler dans les médias, jusque dans les colonnes du Monde qui titrait, le 26 novembre dernier : « Et si le mouvement complotiste américain QAnon était une fanfiction ? »
Selon cette thèse, QAnon serait le fruit d’un canular fondé sur le roman Q (titré en français, L’Oeil de Carafa), publié en 1999 par le collectif italien Luther Blissett. C’est à l’un de ses auteurs, Roberto Bui, alias Wu Ming, que nous donnons la parole dans ces pages.

Rebondissant sur cette vertigineuse théorie, Roberto Bui vient de consacrer un livre à QAnon. Intitulé La Q di Qomplotto (« Q comme Qomplot », dont la traduction française sortira chez Lux en avril 2022) […]

 

« Plusieurs chapitres de Q comme Qomplot sont consacrés à l’urgence épidémique, ou plutôt à une critique radicale de cette urgence, en exposant ses dynamiques et en montrant que sa gestion a été à la fois déresponsabilisante pour la classe dirigeante et culpabilisante pour les citoyens. Cette urgence était hypocrite lorsqu’elle interdisait et diabolisait des activités inoffensives en extérieur tout en encourageant la poursuite d’activités productives beaucoup plus dangereuses en milieu clos. En somme, il s’est agi d’une gestion capitaliste, tout simplement néolibérale (lire le libéralisme autoritaire), qui ne pouvait qu’alimenter le complotisme. Le complotisme est toujours la traduction d’un malaise réel. Ce malaise, il faut le prendre en compte.

 

Lorsqu’on s’attaque au complotisme, il convient de partir du noyau de vérité qui se trouve au cœur de tout fantasme de complot, aussi baroque et aberrant soit-il. Les complotismes nés de la pandémie ne font pas exception, bien au contraire : ils font même office de paradigmes. Sous les strates et les sédiments de choses fausses, avant toutes les distorsions, les fantasmes de complots se fondent sur des prémisses véridiques. Les identifier est un art ; le politique consiste à les intercepter afin d’empêcher qu’elles soient « capturées » par le complotisme.

 

Que le capitalisme global profite de la pandémie et ses conséquences pour mener à bien une restructuration colossale, cela me semble plus qu’évident. Quand un complotiste parle de « Great Reset« , il touche à une vérité profonde. Le problème est qu’il en tire la narration fallacieuse d’un grand programme, d’un complot ourdi depuis longtemps par les puissants de la Terre (les Juifs, les pédophiles satanistes, les reptiliens, voir tous à la fois). Au premier plan, l’idée que le virus a été créé volontairement voire que la pandémie elle-même est une invention, […]

Extraits d’un dossier sur le complotisme dans le d’octobre 2021.

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