Le care, un concept pour dépolitiser

D’où vient le care ? Sans surprise, ce concept a été forgé aux États-Unis, l’Empire du Bien, au début des années 1990. Sa créatrice est Joan Tronto, professeure de théorie politique à l’université de New York. Le care a ensuite essaimé en France à travers des politiques, notamment les socialistes, et des universitaires. C’est ici que nous retrouvons Cynthia Fleury. Elle est une des propagatrices majeures de cette idéologie dans nos mass media. Dans son nouvel essai, elle nous explique que « les éthiques du care ont à cœur de définir une politique de la dignité, conçue à partir d’une clinique de la dignité, et fondée sur une conception relationnelle de la dignité, dans la mesure où il n’y a pas de dignité sans développement de relations dignes entre les sujets. Dans cette optique, joan Tronto est un auteur clé pour montrer comment la vérité du politique se situe dans le soin, au sens de la promotion de relations capacitaires pour les individus ». Une belle logorrhée.

Plus prosaïquement, les anti-industriels Tomjo et Mitou la décortiquent ainsi : « cette niaiserie du care est une idéologie de droite, théorisée pour dépolitiser et individualiser la question sociale, transformer la solidarité en charité et bons sentiments. […] il est nécessaire de rappeler d’où elle vient, et comment elle est devenue un programme politique en France, en 2010. On doit l’affirmation qu’une « éthique du care » puisse remplir un programme politique à Martine Aubry (IEP- ENA), à l’époque ou elle occupait le poste de première secrétaire du Parti socialiste, alors en plein désarroi idéologique face à la réforme des retraites proposée par Nicolas Sarkozy. »
De fait, aussi bien le Parti socialiste que les milieux d’affaires y ont trouve leur compte. L’État care est, lui, le concept chéri du charmant Olivier Véran.

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Charles Péguy nous avait avertis : « Leur idéal, s’il est permis de parler ainsi, est un idéal d’État, un idéal d’Hôpital d’État, une immense maison finale et mortuaire, sans soucis, sans pensée ». Une société qui aurait pour but fondamental le care ne risquerait-elle pas de ressembler à une immense clinique peuplée d’infirmières maternantes et consolatrices pour mieux nous faire retourner au front ?

Dans son nouvel et indispensable essai, Extension du domaine du capital, Jean- Claude Michéa va au cœur d’un sujet tabou à notre époque woke. Le philosophe met en garde contre « ces nouvelles formes d’emprise « matriarcales » – l’empire des mères, selon la célèbre formule de François Vigouroux – qui représentent aujourd’hui l’une des conditions essentielles de la reproduction psychologique et culturelle du capitalisme intégralement développé […]. « Dans certaines familles, écrivait ainsi Orwell en 1947, le père dira a son enfant : « je vais te frotter les oreilles si tu recommences », alors que la mère, les yeux pleins de larmes, prendra l’enfant dans ses bras et lui chuchotera tendrement : « Allons, mon chéri, est-ce que tu veux faire plaisir à ta maman ? » Et qui irait soutenir que la seconde méthode est moins tyrannique que la première ? Ce qui est réellement déterminant, c’est moins la violence ou la non-violence que le fait d’aspirer ou non à exercer un pouvoir » (Lear, Tolstoy and the Fool). »

Extraits d’un article de Vincent Cheynet dans le journal La Décroissance d’octobre 2023.

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