La transition énergétique n’a jamais existé

Le charbon, c’est dans le rétro, c’est Jean Gabin. Le pétrole, c’est James Bond, en voie de disparition. Le nucléaire, c’est des héros en images de synthèse qui rendent l’imagination illimitée et sa concrétisation propre. Un avion que nous prendrons demain, en acier décarboné, consommera des agro-carburants, voire sera électrique. Minute.
« A l’échelle globale, on n’a jamais consommé autant de pétrole que maintenant, on n’a jamais consommé autant de charbon que maintenant, on n’a jamais consommé autant de bois que maintenant. » ›› Jean-Baptiste Fressoz est historien des techniques et des énergies. Pour ceux qui aiment les « oui mais » – dont je fais partie -, il cite une étude qui évalue à 1 tonne la consommation annuelle importée de charbon par Français en 2018. Dans son livre Sans transition, il montre que l’histoire des énergies est celle d’une accumulation.
Le concept de transition des énergies fossiles à l’énergie atomique est un idéal, ce n’est pas un fait. Il a été inventé par les pro-nucléaires dans les années 70. Il a la prétention de répondre à deux enjeux majeurs : le réchauffement climatique et la finitude du pétrole et du charbon. Il a emporté l’adhésion, car dans les optimistes années 70, 2050, c’était loin : on avait largement le temps : de transitionner… 50 ans plus tard, nous n’avons pas avancé d’un iota dans sa direction, alors même que ses promoteurs sont au pouvoir depuis longtemps.

Rompre avec l’accumulation, viser l’état stationnaire voire décroître énergétiquement, c’est un autre chemin, qui n’a jamais été expérimenté (volontairement) en Occident.
Avancer sur ce chemin implique, avant même de décroitre, de décélérer. Car aujourd’hui, nous – pas seulement les Chinois – continuons à accélérer. On ne parlera pas, pour une fois, de l’explosion des ventes de jets privés : pas besoin d’être au sommet de la pyramide pour acheter la PS5 et des casques de réalité virtuelle, le dernier smartphone, prendre davantage l’avion, utiliser « la dernière appli », une connexion plus rapide, une voiture plus lourde, un appart et un frigo plus grands… L’accumulation nous rend plus puissants, mais nous rend-elle plus libres ? Pour la satisfaction de nos besoins les plus immédiats jusque dans les loisirs, nous devenons dépendants de nos portefeuilles.

Début de l’édito du mensuel l’âge de faire de mai 2024.

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