La religion du progrès

Pour comprendre les caractéristiques de la religion du progrès, il faut d’abord rappeler les circonstances qui lui ont donné vie. Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, un grand nombre de personnes d’Europe et de la diaspora européenne ont jugé qu’ils ne pouvaient plus croire en la foi chrétienne de leurs ancêtres, mais ils ressentaient toujours les besoins émotionnels que satisfait le christianisme. La culture est aussi sujette à la loi de l’offre et de la demande que l’économie, et par conséquent la recherche d’un substitut au christianisme a rapidement conduit à la naissance de plusieurs religions singulières, comme le nationalisme, le marxisme et la religion du progrès.

Ce que cela implique, bien entendu, c’est qu’il existe une étroite correspondance entre la foi en Jésus Christ et la foi dans le progrès, et les proximités sont en fait très profondes. Pour celui qui croit vraiment en la religion du progrès, le progrès est omnipotent, omniscient, totalement bénéfique, et son triomphe final est certain ; la confiance aveugle dans le progrès est la plus haute des vertus, et émettre un doute sur la puissance, la sagesse et la bonté du progrès est le plus terrible des péchés. La foi dans le progrès remplit les mêmes besoins affectifs que le christianisme satisfaisait jadis.
Et si quelqu’un suggérait à un dévot du progrès que sa divinité de substitution n’était pas une loi toute-puissante de la nature mais seulement une condition historique temporaire, il obtiendrait exactement la même réponse que s’il essayait de dire à un paysan du moyen-Âge que Dieu, ses saints et ses anges ne se trouvaient pas dans le ciel.
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Si cette foi dans le progrès est aussi fortement inculquée par les institutions du pouvoir politique et économique, et leurs prostituées dans les médias de masse, c’est que cette croyance en un progrès linéaire et éternel désamorce toute interrogation sur le sens de nos sociétés, la finalité de nos existences, la direction que nous prenons collectivement : entre autres questionnements, qui profite de cette marche en avant ? Qui en paie les pots cassés ? Et est-ce que notre destination est vraiment un lieu où une personne saine d’esprit voudrait aller ?

Extraits des réponses de John Michael Greer aux questions qui lui sont posées par les journalistes du journal La Décroissance (La décroissance de septembre 2015).

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