Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
La place de l’écologie dans les médias
Arbitrage des stratégies militantes, dépendance au calendrier et à la communication gouvernementaux et institutionnels, dépolitisation de l’information au profit de récits sensationnalistes et de « l’actualité chaude » : c’est le traitement auquel semblent vouées les questions environnementales. En dehors de quelques « événements » réguliers ou exceptionnels (publication de rapports du GIEC, sommets institutionnels, « Convention citoyenne pour le climat », discours de Greta Thunberg à l’Assemblée nationale et à l’ONU, grèves scolaires et marches pour le climat), l’écologie reste trop souvent dans l’angle mort des rédactions.
« Alors que des élections présidentielle et législative se profilent, alors que les scientifiques ne cessent de nous alerter sur l’urgence climatique [et] sur l’effondrement du vivant, le travail médiatique n’est pas à la hauteur des enjeux » alertaient par exemple trois associations de journalistes spécialisés en 2022, à l’origine d’un appel à ce que la presse « se ressaisisse ». Quelques mois plus tard, « L’Affaire du siècle » (regroupement de plusieurs ONG) révélait que les questions climatiques n’avaient représenté que 3,6 % du « volume rédactionnel » de 120 médias entre février et avril 2022. Un bilan qui amusait beaucoup Christophe Barbier (et les seize autres éditorialistes) sur le plateau de France 2, à une semaine de l’élection présidentielle : « On a quand même parlé de biodiversité ! Extinction des socialistes, réintroduction du Roussel dans la campagne, espèce invasive avec Zemmour. Finalement on a parlé un peu d’écologie ! » (2 avr. 2022)Prolongeant une décennie de disette, ce désintérêt des chefferies éditoriales explique en partie un traitement largement carencé. En juillet 2020, l’ONG Reporters d’Espoirs publiait une longue enquête évoquant, notamment, la part dédiée aux questions climatiques sur un mois-type (20 oct. – 20 nov. 2019) dans la presse quotidienne nationale et régionale mais également dans plusieurs segments d’information très suivis de l’audiovisuel : les JT de TF1 et France 2, les journaux de 8h sur France Inter, RTL et RMC et enfin, deux tranches d’ « actualité » sur BFM-TV et France Info. Si l’ONG notait alors une nette progression des sujets environnementaux (intempéries, pollution, déforestation, biodiversité, transition énergétique, etc.) au regard de la décennie 2010, ces derniers ne sont que très rarement contextualisés et liés au réchauffement climatique : « moins de 1 % [d’entre eux] en moyenne, avec des pointes à 2 % sur les chaines d’info et à près de 5% pour certains quotidiens nationaux. »
L’ONG critiquait en outre la quasi-absence de sujets dits « constructifs » – c’est-à-dire exposant des initiatives en réponse aux bouleversements climatiques – dans l’audiovisuel, dont les angles ont « pour point commun de se rapporter à l’autonomie des individus ». On pourrait espérer que les actions militantes fassent l’objet d’un traitement plus aigu. Plusieurs études de cas menées par Reporters d’Espoirs montrent au contraire combien le sensationnalisme et la personnalisation l’emportent généralement sur une information donnant à comprendre le fond des enjeux écologiques, pourtant pointés et documentés par les collectifs en question.
Début d’un dossier dans Médiacritique(s), magazine trimestriel d’Acrimed, d’octobre 2024.