La mobilité douce et ses déchets

La progression de l’ « électro-mobilité » est impressionnante : 15 000 vélos à assistance électrique (VAE) vendus en 2008, 740 000 aujourd’hui ! Ajoutez-y 900 O00 trottinettes électriques, sans compter les dizaines de milliers mises en location dans l’espace public. Nulle surprise quand on sait que l’acquis le plus remarquable de la propagande moderne est d’avoir fait passer l’électrification générale comme « écologique » après avoir réduit la « crise environnementale » aux émissions de CO2. Or, la filière de la mobilité électrique, pourtant douce – nous ne traitons pas ici des motos, bagnoles, etc. – a beau se faire passer pour vertueuse, il suffit de s’intéresser aux seuls déchets qu’elle génère pour prendre la mesure de la supercherie.

[…] La durée de vie d°une batterie dépendra de la conduite de l’usager […] cinq ans en moyenne. Aucun professionnel ne peut donc nier l’ampleur du problème.[…]

Et qu’en est-il de ces déchets ? Sur le papier tout semble très bien puisque les grandes entreprises de recyclage spécialisées dans le tri des métaux – un travail dangereux du fait des procédés chimiques utilisés pour garantir la pureté des métaux récupérés – annoncent des résultats remarquables. […] Mais la vérité est qu’il n’y a, à ce jour, aucune « valorisation » de l’élément essentiel aux batteries : le lithium. Pour employer une litote des zélateurs de la start-up nation, nous en serions aux « prémices » de l’activité de recyclage. […]
Pour l’heure, une invraisemblable usine à gaz « énergivore et polluante » ne permet la récupération « que d’une fraction du contenu des batteries ». Face à ce qui constitue d’ores et déjà un lourd dossier de plus au désastre écologique général […]

La tragique vérité est qu’il est vraisemblable que, devant l’extrême difficulté à traiter les déchets de la mobilité électro-écolo, ceux-ci finiront dans les effroyables décharges à ciel ouvert d’Afrique. Une version particulièrement sordide de « l’économie circulaire » tant vantée puisque le voyage des métaux lourds qui commence souvent dans les mines africaines se termine sous la forme de renvoi de la plupart de nos déchets électroniques sur le continent africain… Au Ghana, au Nigeria et ailleurs, des millions de tonnes d’ordiphones, ordinateurs… et batteries sont désossées, brûlées par des enfants et des adultes dans des conditions sanitaires abominables.
Quid de la convention internationale de Bâle qui, depuis 1989, interdit pourtant l’exportation de telles matieres ? Dans l’hypocrisie générale, les dirigeants politiques et économiques des nations développées faisant crouler le monde sous les déchets numériques non recyclés (les deux tiers d’entre eux) ferment les yeux : ceux-ci sont autorisés à traverser les mers en étant classés comme des « dons ». Ça passera d’autant mieux que l’Afrique se met elle aussi au VAE…

Extraits d’un article de Denis Bayon dans le journal La Décroissance de novembre 2023.

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