La guerre contre le terrorisme

Le Premier ministre israélien lui-même n’a pu cacher le plaisir qu’il ressentait face à ce qu’il percevait comme une leçon, certes tragique et intolérable, que la France venait de recevoir en se félicitant qu’elle doive maintenant prendre pleinement sa place dans la croisade globale contre la menace islamiste. Et de se précipiter d’offrir ses services et son savoir-faire aux agences de sécurité françaises pour mener à bien la guerre globale, préventive et permanente contre le terrorisme. C’est très culotté, surtout ces dernières semaines, car Israël est confronté à une longue série d’attaques à l’arme blanche de la part de jeunes adolescents face auxquels tout le savoir-faire dont se vante Nétanyayou est inefficace. Depuis des années, le sentiment d’insécurité n’avait jamais été aussi fort à Jérusalem et même à Tel-Aviv, pourtant loin de la ligne de front : les rues se vident le soir, les marchés tournent à cinquante pour cent, certains centres commerciaux de Jérusalem sont déserts.

Israël n’est pas plus capable d’empêcher ces attaques que la France d’empêcher certains de ses citoyens de rejoindre Daech et de commettre des attentats meurtriers car nos dirigeants, à Paris comme à Tel-Aviv, s’obstinent à fermer les yeux sur les terreaux respectifs sur lesquels poussent ces phénomènes : la frustration et l’atteinte à la dignité. Dans un cas comme dans l’autre, ces jeunes ont le sentiment de n’avoir plus rien à perdre et, plutôt que de vivre dans l’humiliation permanente, préfèrent mourir en martyrs. Et qu’on ne s’y trompe pas, l’indignation soi-disant unanime que nous rapportent les médias est un trompe-l’œil : très nombreux sont les jeunes exclus qui se reconnaissent dans ces actions. Dans une rencontre avec des étudiants palestiniens de l’Université de Bethléem, une jeune femme, chrétienne à en juger par le crucifix qu’elle arborait, me disait : « Si j’étais plus courageuse, moi aussi je prendrais un couteau pour attaquer un soldat ou un colon, car ce que provoquent ces attaques, c’est une peur généralisée dans votre société. Il était temps que la peur change de camp ! »

Si nétanyahou était capable de faire un véritable bilan de ce qui est un échec patent, il dirait à Hollande que même les meilleurs services de sécurité du monde resteront impuissants face à la rage que provoque la recherche de respect et de dignité.

Extrait d’un article de Michel Warschawski dans Siné mensuel de décembre 2015.

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