La FNSEA verrines et cravates

Le mouvement est lancé. Faut monter sur les tracteurs et montrer la force syndicale. Si à la FNSEA, ça fait belle lurette que les chefs n’usent plus leurs culottes que sur les sièges des conseils d’administration, et bouffent des verrines midi et soir, cravate au cou, chez ceux de la base, le gros des troupes boit le bouillon. […]

Le monde agricole, si puissant dans sa force de production, mais devenu largement minoritaire à l’échelle de la population, a perdu de sa superbe comme force sociale. Les politiques comme le public ne connaissent plus l’exercice du métier. Près de 200 fermes disparaissent par semaine en France et la moitié des agriculteurs et agricultrices partiront à la retraite avant 2030. Se réjouir de l’augmentation de la productivité à l’hectare par travailleur, c’est se réjouir de travailler de plus en plus seul pour faire des tâches de plus en plus déconnectées, complexes, fastidieuses. Les ouvriers et ouvrières agricoles ont aussi déserté les exploitations. Seul importe le fait que tous les gestes doivent être réglementés, enregistrés, justifiés, contrôlés. La vérité est que le système productiviste n’a, dans l’absolu, plus besoin d’agriculteurs indépendants ; simplement de capitaux, d’assurances et de prestataires de services. « Numérique, Robotique, Génétique » : voici le triptyque pour l’avenir qu’a annoncé Macron au Salon de l’agriculture il y a 2 ans.

La Confédération paysanne du Loir-et-Cher et le Groupement d’agriculture biologique (GAB) ne l’entendent pas de cette oreille et ont manifesté conjointement le 3 février à Blois. Ce n’était pas gagné que les deux formations se rejoignent car on retrouve de toutes les couleurs syndicales au sein des GAB. Il fallait néanmoins porter une parole dans l’espace public, dire que l’on pouvait sortir de la crise par le haut. Installer 1 million de paysans et paysannes, pratiquer l’agriculture biologique, relocaliser et désintensifier la production pour que les sols, l’eau, les animaux, les gens respirent. Rien de neuf dans l’argumentaire mais la confirmation que face au mur, ces idées, c’est pas des conneries.

Alors oui, il y a des mesures d’urgence à prendre mais encore plus sûrement un travail de fond à entreprendre. À Blois, 500 personnes qui défilent, encadrées par quelques tracteurs pèsent moins que les engins qui la semaine précédente mettaient la pression sur l’Office français de la biodiversité avec tas de fumier et tout le bazar. C’est en rassemblant plus largement – et en nombre – une diversité d’acteurs qu’on pourra peser dans le rapport de force et remettre les questions structurelles au cœur du sujet.

Extraits d’un article de Gautier Félix dans le mensuel CQFD de mars 2024.

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