JO 2024 : performance et pognon

Coût du logement, de l’énergie, transports saturés, pics de pollution et de chaleur… voilà désormais le quotidien des Franciliens. Pourtant, ni la dette publique, ni les déficits des précédents jeux n’ont dissuadé nos dirigeants de mettre les JO tout en haut de leur agenda.
De fait, nos petits tracas ne pèsent pas lourd face aux enjeux de cette gigantesque campagne publicitaire. Car il s’agit avant tout ici, pour l’État comme pour les sponsors officiels, de faire de la com’, en jouant sur l’énorme positivité indiscutable du sport (p. 4-5 et 6-7) et l’apparente inclusivité paralympique.
À la mégalomanie de l’exécutif répond une fierté puérile, qui, depuis Napoléon, n’en finit pas d’être excitée par les médailles. « On doit faire beaucoup plus », lançait d’ailleurs notre Président aux athlètes décorés à Tokyo, « parce que ce sont nos jeux, à la maison, on est attendus ». Beaucoup plus qu’à Tokyo. Encore plus qu’à Rio. Cocorico !
La performance est devenue un véritable projet de société : en tant que progression quantitative, bien sûr, mais également comme art de la diversion. Qui se souvient en effet des émeutes de juin 2023, déclenchées par la mort de Nahel Merzouk ? Des panneaux qui disaient quelques semaines plus tôt : « Pas de retraites, pas de JO » ?
Le spectacle du sport rend complètement con. C’est ce qu’a dû se dire notre Ministre des Sports (et des Jeux olympiques et paralympiques), avant de louer publiquement le « modèle vertueux » de Coca-Cola, sponsor historique du Relais de la Flamme, un événement largement financé par les villes-étapes et les départements, où l’on distribuera des centaines de milliers de cannettes de soda… « Pour la santé de tous et des plus fragiles », à n’en pas douter.

Et tant pis si Bercy réclame de son côté plus de 720 millions d’impayés à la multinationale… c’est sûrement moins que le trou des retraites. Espérons également que l’argent magique couvrira les dépassements budgétaires des JO, dont la Cour des comptes ne s’estimait pas capable en janvier 2023 « d’estimer le coût réel et son impact total sur les finances publiques ».
Il faut dire que toutes les ressources publiques sont mises à disposition de la foire : de l’Intérieur à la Culture (p. 15), en passant par les chômeurs (p. 19-20) et la recherche (p. 3) ; jusqu’aux lois du pays, assouplies pour tenir la cadence des préparatifs (p. 8-9) et permettre une « expérience » de vidéosurveillance algorithmique (p.16). Mais toute compétition, n’est ce pas, implique toujours des perdants et des gagnants.

Pour les gagnants, il suffit de reprendre la liste des partenaires olympiques, dans laquelle vous trouverez, par exemple, Airbnb, champion mondial de la hausse des loyers. Les athlètes, également, ne devraient pas trop mal s’en tirer, car on a mis des filtres à air dans leur « village » flambant neuf. Quant aux touristes, certains rêveraient de pouvoir se déplacer en hélicoptères électriques, dans une ville débarrassée de ses sans-abri, ses étudiants (p. 18) et ses bouquinistes.

Édito de Valentin Martinie dans Le chiffon de l’hiver 2023/2024.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *