Je suis Charlie, et demain ?

C’est quoi ce bordel, sérieux ? T’as vu comment ils parlent de toi ? Tu trouves pas ça bizarre ? Attends, j’ai été super-touché par l’émotion de toutes ces personnes que j’ai croisées cette semaine. Mais moi, quand Charb m’avait proposé d’écrire dans Charlie, il me donnait la possibilité de rejoindre un réseau de résistance, un rassemblement improbable de dessinateurs érotomane, d’économistes altermondialiste et de bouffeurs de curés réunis autour de l’envie de se marrer, de dénoncer, et surtout soudés par le plaisir de déplaire.
Et on était pas beaucoup à te lire. Quand je t’achetais, je me sentais unique. Un peu comme le mec qui kiffe une série US que peu de gens connaissent. Tout le monde regarde Plus belle la vie, et toi tu télécharge The Wire.
Et, Charlie, t’avais presque réussi ton coups. Ben oui, il y a quelques semaines, t’as même failli disparaître. Si ça, c’est pas un signe de bonne santé ! J’étais tellement fier de toi.
Et là, badaboum… 3 millions d’exemplaires, rupture de stock dans les kiosques.
Mais tu te fous de ma gueule ? C’est quoi le but ? Charlie, t’es devant Télé 7 jours ! Quelle honte… Même ma sœur t’a acheté aujourd’hui. Putain, elle est abonnée à Closer, ma sœur !
(…)
T’inquiète pas, Mathieu, dans quelques semaines tout sera rentré dans l’ordre. Les ventes retomberont, les affiches sur les murs disparaîtront, les gens se détesteront à nouveau, les politiques nous chieront sur la gueule devant les tribunaux comme avant, et tu pourras enfin te sentir unique.

Extraits d’un article de Mathieu Madenian dans Charlie Hebdo du 14 janvier 2015.

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