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Israël : l’Europe laisse faire
« À quoi sert l’Europe si vous laissez le plus fort l’emporter, en piétinant la dignité de l’Humanité, et le droit international ? Vous pouvez mettre un embargo total sur les armes, et rompre les relations avec Israël. Si vous ne le faites pas, vous êtes complices. »
C’est en ces termes véhéments que la députée européenne socialiste espagnole Irene Montero interpellait il y a peu le Parlement européen, pointant l’inertie politique face aux massacres en cours. Des crimes contre l’Humanité, selon la Cour pénale internationale (CPI), un génocide, selon la Rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens, Francesca Albanese, qui vient de remettre son dernier rapport aux Nations unies à New-York, le 30 octobre dernier, accablant.À l’heure où le Secrétaire général des Nations unies est déclaré persona non grata en Israël, à l’heure où la force d’interposition de l’0NU au Liban, la FINUL, est prise pour cible, à l’heure où Israël, dans une communication récente, associe les derniers journalistes présents à Gaza à des terroristes – avec les conséquences que cela suppose -, l’Europe pourrait-elle enfin se décider à contraindre au respect du droit humanitaire une armée hors de contrôle de la communauté internationale ?
L’équivalent de quatre bombes nucléaires ont été déversées en un an sur les 360 km² de Gaza – moins de la moitié de la superficie de la ville de Berlin – dans une des zones les plus densément peuplée au monde, sans que cela n’engendre la moindre coercition. Que la reconnaissance d’un État palestinien viable puisse être l’objet de dissensions entre les pays européens, est un constat hélas évident. Que l’on assiste, statiques et silencieux, à des massacres de masse – 150 000 blessés, morts, ou disparus a minima -, et des déplacements massifs de populations, grâce à la complicité de l’industrie de guerre des pays européens, est autre chose. Les armes fournies par l’Europe ne servent pas à une guerre, elles servent à la destruction de toutes les infrastructures, écoles et hôpitaux compris, d’une des populations les plus pauvres au monde. L’Europe semble avoir fait le deuil de sa capacité à agir : depuis un an, aucun débat parlementaire sérieux, ni vote à l’échelle européenne ou des États-membres, comme si toute initiative devait être vouée à l’échec.La saine indignation de la députée espagnole rappelle toutefois que des possibilités politiques existent. Et la première d’entre elles, l’imposition d’un embargo sur ces armes servant à la destruction de Gaza, et aujourd’hui du Liban. Au début de l’année 2024, cette idée avait été évoquée par le chef de la diplomatie européenne Josep Borell, déclarant que l’arrêt de livraisons d’armes serait un préalable pour limiter la destruction de Gaza et de sa population. Cette déclaration toutefois s’adressait davantage à Joe Biden et au soutien inconditionnel des États-Unis à son partenaire israélien qu’aux États-membres de l’Union européenne. Les propos de Josep Borell apparaissaient aussi comme un aveu d’impuissance, la possibilité d’un embargo relevant, en Europe, de la décision des pays membres eux-mêmes. C’est une des aberrations constitutives de l’Union européenne, la condamnant à l’impuissance diplomatique : les décisions de sanctions doivent être prises à l’unanimité des 27. L’opposition systématique de l’Allemagne et de la Tchéquie principalement, de l’Autriche dans une moindre mesure, laissent mal augurer d’une possibilité d’action commune, y compris d’ordre humanitaire. La bonne volonté de Josep Borell, et de pays comme la Belgique, l’Espagne et le Portugal, pèsent peu face à la position de la première puissance diplomatique européenne, la France, et la première puissance économique, l`Allemagne, qui comptent parmi les fournisseurs d’armes les plus zélés de l’État hébreu. Il reste néanmoins aux pays, et aux organisations de défense des droits humains, la possibilité d’agir à l’échelle nationale. Début 2024, la Cour d’appel de La Haye avait par exemple ordonné aux Pays-Bas la suspension des livraisons de pièces de F-35.
Début d’un article de Christophe Cotteret dans « Démocratie et socialisme » de novembre 2024, le mensuel de la Gauche Démocratique et sociale .