Gaza, une démission des médias occidentaux

Dans un éditorial publié le 8 janvier, le media spécialiste des mondes arabes et musulmans Orient XXI réagit au traitement médiatique des massacres en Palestine depuis les attaques du Hamas du 7 octobre. Intitulé « Gaza. L’escorte médiatique d’un génocide », il fait une analyse critique des médias occidentaux, tout en affirmant la position éditoriale du média par rapport au terme de « génocide ». Entretien avec Sarra Grira, co-autrice de l’éditorial en question avec Alain Gresh, et rédactrice en chef d’Orient XXI.

Pourquoi avoir publié cet éditorial ?

« Dans les semaines qui ont suivi les attaques du Hamas du 7 octobre, une grande partie des médias a repris les éléments de langage de l’État d’Israël sans trop se poser de questions, alors que plusieurs informations se sont révélées fausses après-coup. Et les informations qui nous parvenaient de Gaza n’étaient soit pas relayées, soit mises à distance ou reprises avec des pincettes pour faire douter de leur nature factuelle. On a vu une démission de la réflexion assez forte des médias occidentaux, avec le relai de la propagande israélienne et l’invisibilisation des Palestinien-nes. Et en décembre, quand Reporters sans Frontières (RSF) a sorti son rapport indiquant que seulement 17 journalistes avaient été tués en couvrant ce conflit (dont 13 à Gaza), alors qu’i1s étaient 87 selon le Syndicat des journalistes palestiniens, on s’est dit que tout cela était trop cynique et indécent pour ne pas réagir. »

Dans votre analyse des médias, vous parlez d’une « escorte médiatique d’un génocide » et de débats surréalistes sur les plateaux télé…

« Olivier Rafowicz, colonel réserviste et porte-parole francophone de l’armée israélienne qui déclare que questionner le discours de son armée est antisémite, a eu pignon sur rue dans les médias pendant toute cette période pour dérouler sa propagande sans être mis en difficulté – à l’excepfion de Mohamed Kaci sur TV5 Monde, rappelé à l’ordre par sa direction quelques jours après. Quant à I24, une chaîne de propagande israélienne, elle partage les mêmes locaux, les mêmes images et les mêmes invités aux propos parfois abominables que BFMTV, chaîne du même groupe. Et quand on donne enfin la parole à des Palestinien-nes, le réalisateur Élie Chouraqui en rit sur le plateau, en disant « c’est un bon communicant, hein ? Il communique bien, il parle bien à la caméra ».

On a assisté à un déferlement de haine et à une déshumanisation des Palestinien-nes, trop souvent résumé-es à des bilans chiffrés. Arrêt sur images a récemment sorti une enquête sur le service Checknews de Líbération. Elle raconte les tensions au sein de la rédaction, notamment parce que le directeur franco-israélien de Libération, Dov Alfon, juge excessif l’intérêt de Checknews pour la propagande israélienne. »

Vous critiquez l’usage du terme « guerre », pourquoi?

« Une guerre, c’est entre deux armées. Or, là, ce ne sont ni deux pays ni deux États qui s’affrontent, mais une armée occupante qui se déchaîne sur le territoire qu’elle occupe ; la plus puissante armée du Proche-Orient, soutenue par une des plus puissantes armées au monde, les États-Unis, contre une milice armée qui a commis des crimes de guerre dans un contexte colonial. Parler de « guerre Israël- Hamas », alors qu’une très large majorité des victimes sont des civils, dans un territoire en grande partie devenu inhabitable, c’est minimiser la réalité. »

Début d’un article de Jonas Schnyder dans le mensuel CQFD de février 2024.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *