Finitude des ressources : à quand la fin du déni ?

out le monde sait depuis au moins cinquante ans – le rapport Meadows significativement intitulé « Les limites de la croissance » date de 1972 – que nous sommes assis sur une Terre dont les ressources sont connues et limitées. C’est un trésor qui a mis des millénaires à se constituer et, quand nous « tapons » dedans, les réserves diminuent.

S’il existe un débat pour savoir s’il faut nommer « anthropocène » ou « capitalocène » l’ère à laquelle nous vivons, et quelles bornes temporelles on doit lui donner, nous optons pour le second terme. En tout état de cause, peu importe. Si l’on continue à puiser dans les ressources, à cette vitesse, nous serons réduits d’ici deux ou trois générations à respirer avec des bouteilles à oxygène et les plus riches auront leur abri.
Le modèle de production-consommation, imposé par une idéologie économique toute-puissante, conduit à outrepasser les besoins des uns, sans satisfaire ceux des autres et en mettant en danger la santé, et même la survie de toutes et tous. Beaucoup sont persuadés qu’il est impossible d’en sortir car il permet d’assurer la croissance, l’emploi, le progrès. Et surtout l’enrichissement infini des détenteurs du capital. Mais, problème : cette impasse productiviste, extractiviste et consumériste nous conduit à la destruction des conditions mêmes de notre existence. La nature est quelquefois cruelle sous forme d’épidémie, de tremblement de terre, d’éruption volcanique, mais l’espèce humaine est bien son pire ennemi.

Le triomphe de l’ultralibéralisme, après la chute du mur de Berlin, nous a précipités dans une mondialisation des échanges visant à se servir des pays pauvres pour produire encore plus à des coûts dérisoires, et maintenir au passage la domination capitaliste sur les travailleurs des pays du Nord au nom de la compétitivité. Problème : cette exploitation des énergies carbonées pour prolonger la grande fête compromet notre avenir plus rapidement que prévu.

L’aveuglement et le dogmatisme d`une grande partie de la classe politique, y compris parfois à gauche, nourrissent un discours indigent, pas du tout à la hauteur des enjeux : « Pas d’écologie punitive, juste une écologie incitative » et il faudrait continuer à croire que la bonne volonté des puissants y suffira ! Emmanuel Macron a pensé d’abord à effacer un clivage politique, s’en remettant au bon sens et au sens du vent. Il soutient toujours les grandes entreprises et la finance mondialisée pour nous endormir sur l’importance vitale de ce qui est en train de se jouer. Toutes ces belles âmes espèrent que nous continuerons encore longtemps à nous battre pour le pouvoir d’achat et le prix de l’essence (éléments essentiels par ailleurs), mais pas pour le climat et… notre survie.

Pourtant, il est urgent d’ouvrir les yeux et d’affronter les défis qui se dressent devant nous en proposant des méthodes fermes pour rendre ce monde pérenne. Aux dires de certains, notre salut ne pourra venir que d’une solution technologique pour assouvir des besoins non pas vitaux, car ceux-là sont globalement à notre portée, mais des besoins superficiels proposés par le marché.
En clair, le marché a pris le pas sur les valeurs qui nous font « faire société » : « avoir » plutôt qu’ « être ». Ou, comme l’analyse la philosophe Émilie Hache, « produire » plutôt que « générer ». Le monde s’impose des contraintes qui ne correspondent à rien dans l’univers. Croissance, performance, compétition sont des concepts qui ne sont là que pour justifier notre incapacité à réagir malgré des siècles de soi-disant « progrès ». Emmanuel Macron, encore lui, accompagné de sa cohorte de sachants financiers, n’a aucune connaissance de la France profonde. Quand il a été piégé parle Covid-19, il a fait marcher la planche à billets pour éviter la révolution et, quand les marchés financiers ont trouvé que cela commençait à bien faire, il a mis le holà en tapant sur les retraites et a envoyé son ministre Le Maire au charbon. Ajoutons à cela que les géants du numérique, de la tech, espèrent nous épater avec leurs solutions (l’IA, la géo-ingénierie…) et nous disent qu’il ne faut pas s’inquiéter. Qu’ils ont les solutions pour nous sauver.

Résultat, il devient toujours plus difficile de menacer idéologiquement le système dans lequel nous vivons et nous sommes confrontés à deux dangers extrêmes : l’accroissement sans fin des inégalités et la survie de notre espèce. Et il faut mener les deux combats de front, car la lutte pour une planète habitable ne peut pas être pensée indépendamment du combat anticapitaliste. Et réciproquement. Et c’est ce que nous explique la génération qui vient. Regardez les Gilets jaunes : leur combat était juste, mais il n’a pas abouti. Le combat des paysans était juste, mais ce sont les productivistes qui l’emportent pour l’heure au détriment d’une alimentation saine et abordable pour toutes et tous.
Alors cette nouvelle génération (appelée éco-terroriste parle gouvernement) se radicalise. Ce qui montre à quel point c’est cette sorte de contestation qui fait peur au pouvoir, alors que le mouvement social est en difficulté pour initier des mobilisations massives, a fortiori une grève générale, et que la répression s’abat sans retenue. Le pouvoir connaît parfaitement les contre-récits qui font basculer l’opinion. Et sa mainmise sur les grands médias lui facilite désormais grandement le travail. Quel est l’intérêt d’une société où la majorité des innovations ne servirait qu’à réparer les méfaits des innovations précédentes (capter le CO2, l’enfouir ou le déporter ailleurs, alors qu’il faut tout simplement le diminuer drastiquement) ?

début d’un article de « Démocratie et socialisme », le mensuel de la Gauche Démocratique et sociale de juin 2024.

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