État libéral-autoritaire au service du capitalisme de surveillance

Un article vieux de près de trente ans paru au Monde diplomatique, montrait comment l’île de Singapour cumulait « tableaux d’honneur économiques et financiers » tout en « imposant à la population une discipline de chaque instant » en se « cantonnant aux signes extérieurs de la démocratie ». Y étaient décrits par le menu le programme de l’État libéral-autoritaire qui semble être aujourd’hui le modèle plébiscité par les capitalistes. Dès 1994, ce modèle cumulait nombre de traits que l’on peut aujourd’hui retrouver mis à l’œuvre dans de nombreuses « démocraties libérales » notamment grâce à un usage intensif des nouvelles technologies de l’information et de la communication, à des fins de contrôle social.

Cette dystopie technologico-autoritaire décrite dans l’œuvre de George Orwell, 1984, ne cesse d’être convoquée par les militant-es politiques face à l’intrusion toujours plus importante dans nos vies privées des services de police et autres organismes de sûreté plus ou moins liés aux États. Malgré le travail de nombreux collectifs, dont la Quadrature du net, ou de campagne comme « Dégooglisons internet » qui informent, mettent en garde et proposent des alternatives au capitalisme de surveillance et à une vision uniformisée, et pas franchement portée vers l’émancipation et la solidarité, imposée par les Gafam, notre technophilie et notre techno-dépendance tendent à s’accroître chaque jour davantage.

Quelques rappels d’événements récents devraient pourtant nous inciter à repenser collectivement nos usages et notre autodéfense numériques. En mars dernier, en plein mouvement de contestation sociale, les députés de la majorité avec leurs alliés LR et RN adoptaient, à l’occasion du « projet de loi olympique », le principe de la surveillance algorithmique. Cette technologie à propos de laquelle la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés dénonçait dans un rapport publié en 2022 « les risques pour les droits et libertés des personnes » est déployée à grand échelle en Chine depuis le milieu des années 2010, à des fins de contrôle social. Son efficacité judiciaire – qui ne notre point de vue est de toute façon irrecevable -, qui est l’argument mis en avant pour justifier sa mise en œuvre, n’a pour sa part jamais été démontrée.

Le projet de loi « Orientation et programmation du ministère de la Justice 2023-2027 » actuellement en discussion au Sénat va encore plus loin dans la cyber-surveillance légale puisqu’il propose ni plus ni moins que la possibilité pour les forces de l’ordre d’activer à distance les objets connectés ainsi que « l’expérimentation » de la reconnaissance faciale dans l’espace public votée le 12 juin dernier. Reconnaissance faciale qui est déjà mis à l’œuvre dans les faits puisque c’est elle qui a permis dix jours plus tard de faire condamner une personne pour sa participation à la manifestation contre les méga-bassines à Saint-Soline, pour « jet de pierre au cours d’une manifestation interdite » grâce à la reconnaissance faciale ! Derrière ce déploiement à grande échelle de la techno-surveillance se cachent de gros enjeux financiers. Dans une enquête de 2020 des journalistes de la cellule investigation de Radio France montraient que « des sociétés se positionnaient, avec dans leur viseur les Jeux olympiques de Paris en 2024, et à la clé un marché de sept milliards d’euros ». Le capitalisme de surveillance n’est plus une dystopie, c’est notre quotidien.

Article paru dans le mensuel Alternative Libertaire de juillet 2023.

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