Égologie

Attention, pamphlet ! Dans Égologie, la journaliste Aude Vidal dénonce l’individualisme au sein du mouvement écolo actuel.
Si « l’égologie » dénoncée par Aude Vidal est à la mode, c’est qu’elle s’enracine selon elle dans l’individualisme, au cœur de la dynamique de nos sociétés libérales. Les plus atteints par ce mal croient que le changement global passe uniquement par le changement des comportements individuels. Croire cela est très confortable quand on a les moyens de « changer » : quand on peut se payer une Tesla, télétravailler, ou « changer de vie » pour être plus « cohérent ». C’est très valorisant d’être (ou de se croire) écolo quand on est riche. Pour les autres, ceux qui subissent le plus les contraintes de la machinerie sociale, cela peut être par contre très culpabilisant, car en égologie, « celui qui ne fait pas sa part » est seul coupable de tous les malheurs du monde, à commencer par le sien : chacun est
responsable de soi-même.

L’égologie ne conforte pas seulement l’ordre bourgeois (je suis écolo parce que je m’en donne plus les moyens que les autres, tout comme je suis riche parce que je me suis donné plus les moyens que les autres). Aude Vidal la déniche aussi dans le discours petit-bourgeois prônant « l’autonomie », qui « cache une volonté de toute-puissance individuelle, réclamée plus fortement par des groupes sociaux qui ont déjà une prise matérielle et symbolique plus forte sur leur environnement. »
Et de faire le rapprochement entre le Do it yourself et Ikea, en complet décalage avec l’autonomie prônée par le philosophe Castoriadis par exemple.
Plus loin, elle voit la lutte des classes dans certains jardins partagés des grandes métropoles : « Est-il décent d’utiliser la terre comme bac à sable quand d’autres pourraient en avoir l’usage pour cultiver de quoi manger ? » Et de souligner qu’il est facile d’adopter
des pratiques « non productives » quand on ne dépend pas des produits du jardin.
Alors que faire ? Arrêter toute « alternative » ? Ce n’est pas le propos du livre. Aude Vidal nous invite à prendre du recul sur ces initiatives concrètes et à les considérer non pas comme des fins « pour les bienfaits immédiats quelles apportent », mais comme des moyens pour, à terme, « remplacer le vieux monde ». Pour construire un nouveau monde dans lequel « les obligations réciproques tissent des liens qui libèrent ».

Article paru dans l’âge de faire d’avril 2023.

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