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Ecologie populaire
« L’écologie sans le peuple, c’est paver le chemin aux crises sociales et au renoncement. Au contraire, nous allons continuer à bâtir une écologie populaire avec les Français, pour les Français, c’est le sens de la
planification écologique. » On pourrait croire ces mots sortis d’une autre bouche : mais c’est pourtant en ces termes – qui pourraient prêter à sourire, ou à la colère, tant ils contredisent l’action des gouvernements successifs – que le nouveau chef de l’exécutif Gabriel Attal s’est exprimé lors de son discours de politique générale le 30 janvier dernier. Cette récupération – grossière – de la notion « d’écologie populaire » pose pourtant question tant elle est au cœur des luttes écologistes et des bifurcations à mener.« Fin du monde, fin du mois, même combat » avait titré Socialter dans sa parution d’avril 2019. Dans le contexte marqué par le mouvement des Gilets jaunes, nous rappelions déjà la nécessaire alliance du mouvement écologiste et des classes populaires pour bâtir une écologie de rupture. Mais cinq ans après, le fossé persiste.
L’écologie dominante, portée par les gouvernements en place, les médias mainstream et les campagnes de sensibilisation, se résume le plus souvent à des injonctions aux éco-gestes, accessibles seulement aux ménages les plus aisés (manger bio, rouler à l’électrique, économiser l’énergie, etc.). Moraliste et inégalitaire, cette écologie fait de l’individu (et des entreprises) le principal moteur de la transformation écologique, et exclut de fait les classes populaires qui luttent déjà pour boucler leurs fins de mois, nourrissant le sentiment d’impuissance. Les mesures écologiques successives, souvent mises en place sans tenir compte des contraintes des plus modestes, sont vécues comme punitives et injustes. Le déploiement de ZFE, ces « zones à faibles émissions » pour protéger les habitants des centres-villes de la pollution, en sont encore un exemple.Alors l’écologie, un truc de bourgeois ? L’écologie dominante est-elle « édictée par ou pour la bourgeoisie, conformément à ses valeurs et à ses intérêts », comme le pense le sociologue Jean-Baptiste Comby ? Elle ferait, de plus, payer aux classes populaires l’ardoise laissée par les classes supérieures, dont l’empreinte écologique est largement plus élevée. À l’inverse, il n’est plus à prouver que les milieux populaires sont ceux qui polluent le moins et pourtant ceux qui souffrent le plus des nuisances environnementales. Et donc sont déjà les plus concernés par l’urgence écologique.
Le penseur de l`écologie André Gorz, dans son texte Critique du capitalisme quotidien (paru en 1972 dans le Nouvel Observateur), mettait déjà en garde : « Les écologistes et les mouvements écologistes, à quelques exceptions près, sont muets sur la question des moyens. C’est que l’on a affaire chez eux à une sensibilité subversive et à une inspiration révolutionnaire sans base de classe, à une révolte morale qui, le plus souvent, rejette l’ensemble de la civilisation capitaliste sans poser explicitement la question de la nature de classe de la société dont cette civilisation est le fruit. » Dit autrement par le syndicaliste brésilien Chico Mendes : « L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage. »
La tâche est grande désormais. Car pour envisager une écologie de rupture, il convient de changer à la fois le rapport au vivant et les rapports de production. Ces choix collectifs, potentiellement conflictuels, devront être débattus démocratiquement. Quant à la question des inégalités, il paraît urgent qu`elle se trouve au cœur des débats.
Édito de Socialter de février 2024.