Du social au sociétal

Si la gauche a définitivement remisé au grenier à chimères la défense des travailleurs et la lutte contre l’exploitation, et, plus largement, toute perspective de dépassement du capitalisme, il lui reste un terrain de repli pour affirmer sa différence irréductible d’avec la droite : celui des « valeurs ». Un terrain où elle a transposé l’affrontement qui l’oppose à droite alors que rien ne l’en distingue plus dans les autres domaines, qu’il s’agisse de politique économique, de politique étrangère ou de politique sécuritaire.
Ce terrain, baptisé « sociétal », concerne l’évolution des mœurs et des mentalités. Pour fustiger et disqualifier les gens qui font obstacle à cette évolution, ont été remis au goût du jour les vieux vocables qui ponctuaient naguère le combat contre les possédants et leurs représentants politiques ou idéologiques : « arriérés », « rétrogrades », « réactionnaires »… Ce qui donne l’impression à cette « gauche morale » – mais non moralisante, qualificatif réservé à la droite – qu’elle est restée fidèle à sa tradition progressiste alors qu’elle n’est plus que moderniste.
Ainsi va-t-elle livrer un combat sans relâche pour l’égalité des sexes – ou des « genres » – au sein de la famille, au travail ou dans la vie politique, en laissant simultanément s’accroître, sous l’effet d’une politique économique entièrement soumise aux diktats de la « troïka », les inégalités sociales en matière d’emploi, de revenu, de logement, de formation, de soins médicaux et de durée de vie.

Extrait d’un article de Jean-Pierre Garnier dans le journal Les Zindigné(e)s de mai 2014.

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