Droit de manifester en démocratie française

« Je sais qu’ils n’avaient pas le droit de rentrer mais bon, c’est comme ça, sous Macron. »
Une petite phrase désabusée qui de prime abord n’a l’air de rien. Prononcée par une dame ayant vu six pandores débarquer chez elle pour avoir eu l’audace d’afficher deux petites pancartes à sa fenêtre lors du déplacement du président à Pau (Pyrénées-Atlantiques) le 30 septembre, elle a pourtant un effet glaçant, notamment dans son constat posé comme une évidence, presque blasé. C ‘est comme ça, sous Macron. Tu brandis un innocent « Je veux partir en retraite avant l’effondrement climatique (et c’est pas gagné) » ? La maréchaussée débarque armée d’un bélier et reste dans ton appart pour vous surveiller toi et ton compagnon le temps du passage du roi. Et cela rappelle bien des précédents.
Tu interpelles, plutôt courtoisement, le même président d’un « Vous mettez à la tête de l’État des hommes qui sont accusés de viol et de violences sur des femmes, pourquoi ? », ainsi que le fit une lycéenne de 18 ans à Gaillac (Tarn) le 9 juin dernier ? Les gendarmes viennent te chercher dans ton bahut le lendemain pour te soumettre à un interrogatoire. C’est comme ça.
Tu affiches une pancarte « Macronavirus, à quand la fin ? » devant ton portail, comme l’a fait une Toulousaine en avril 2020 ? Bim, quatre heures de garde à vue pour outrage. Comme ça, pour rien.
Au-delà de l’outrage à Maeron, roi tellement nu qu’il ne peut plus se déplacer sans qu’une garde prétorienne ne fasse le vide sur son passage ; chaque espace de contestation se voit de plus en plus rogné, menacé.
Tu vas manifester contre le régime assassin des mollahs devant l’ambassade d’Iran à Paris ? On te lacrymo-gaze dans les grandes largeurs.
D’ailleurs, à ce sujet, on peut raccourcir : tu vas manifester (tout court) ? Fortes chances que d’une manière ou d’une autre on t’en fasse passer le goût, bien violemment de préférence. C’est comme ça, sous Macron.
Le hic avec la Macronie, régime plusieurs fois mis en garde par Amnesty International pour ses glissades liberticides, notamment en matière de droit de manifester, c’est que la répression prend de telles proportions qu’on ne parvient plus à en isoler un exemple
pour le hisser en symbole à combattre. Sans doute pour ça qu’on ne réagit plus vraiment, hormis quelques tweets offusqués, quand une nouvelle « affaire » éclate. Après les Gilets jaunes éborgnés, les teufeurs défoncés, les banlieusards tués, les supporters du Stade de France molestés sous l’œil des caméras du monde entier, la police qui défouraille au moindre refus d’obtempérer, les tribunaux aux ordres, les rafales de lois sécuritaires ou les états d’urgence, on ne calcule plus vraiment le sort pas dramatique, mais tellement signifiant, du couple aux pancartes de Pau.
Le tournis, camarade, tellement puissant que la gerbe n’est pas loin. Et alors que les lendemains s’annoncent passablement sombres, avec serrage de ceinture possiblement explosif et pouvoir pas loin d’être aux abois, il faudra bien un jour renverser ce grand empilement qui menace d’écraser toute expression de contestation. Sous peine de n’avoir plus qu’un exutoire, murmurer d’une voix faible et hors de portée des caméras le message inscrit sur la deuxième pancarte du couple de Pau : « Tout va bien dans Le Meilleur des mondes (ou 1984, je ne sais plus). »

Édito du journal CQFD d’octobre 2022.

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