Dictat monolithique des média

Discussions à sens unique sur des plateaux uniformes, reprise sans distance de la communication préfectorale, sources « non officielles » contestées, pénurie d’analyse et images chocs en boucle ont été les ingrédients d’une soupe peu ragoûtante. La plupart des médias ont aussi multiplié injonctions et prescriptions à l’égard de leurs invités qui contestaient la lecture policière et sécuritaire qui s’imposait partout : toute personne refusant d’appeler au calme était automatiquement rappelée à l’ordre. […]

Et si certains dirigeants ou partis politiques ne reprennent pas l’antienne la main sur le cœur et dans les termes prescrits par les journalistes, ceux-ci ne manquent pas de le mentionner. « Le refus d’appeler au calme signe la trahison républicaine de certains responsables politiques » claironne ainsi Christophe Barbier dans l’hebdomaclaire macroniste Franc-Tireur (6 juil.). L’éditorialiste politique vedette de France 2, Nathalie Saint-Cricq, va même jusqu’à affirmer que ceux qui n’appellent pas au calme « cautionnent ou légitiment la violence » […]

Refuser d’appeler au calme ne signifie pas ne pas Vouloir le retour au calme, exclure d’appeler au calme ne revient pas nécessairement à appeler à l’agitation. Mais le distinguo est trop subtil pour les perroquets des ondes qui vont d’abord répertorier les fautifs : « C ‘est tous ceux qui quelque part, alimentent, manipulent ou qui exploitent ce qui se passe. » Et Olivier Bost les désigne sur RTL : « La liste n’est pas exhaustive d’ailleurs au passage : La France insoumise, le comité Adama Traoré jusqu’aux islamo-séparatistes. » […] Le Monde choisit de mettre Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon sur le même plan : « Deux attitudes également incendiaires. Pour ces deux- là, l’évidence saute aux yeux : il ne s’agit plus de sauver la République mais de la faire tomber. »

Puis, une fois les coupables bien repérés, on spécule sur les raisons d’un tel positionnement. Et pour Renaud Dély, rien de plus simple : « On sait pourquoi La France insoumise le fait, pour deux raisons. D’abord, parce qu’ils sont dans une stratégie de radicalisation et de chaos pour essayer d’installer un face à face à terme entre eux et l’extrême droite, et d’autre part, pour des raisons électoralistes y compris dans ces quartiers-là. » (France Info, 30 juin) Renaud Dély sait. Et il n’est pas le seul. Sur Sud Radio (1er juil.), les commentateurs de la droite extrême s’alignent sur son point de vue. D’abord le philosophe de télévision, Michel Onfray : « C’est une stratégie et une tactique politique de Jean-Luc Mélenchon qui est un personnage vraiment détestable. C’est une catastrophe pour l’histoire de France Ils vont découvrir très vite qu’ils ont mis en place un monstre qui leur échappe. » Mis au défi par de tels propos, le politologue et chroniqueur Guillaume Bigot se doit de surenchérir pour ne pas être débordé sur sa droite : « Oui, le vrai parti de l’étranger, c’est LFI. Faut pas oublier EELV, ils se tirent la bourre aussi. Il y a une course à l’échalote. Tous ces gens-là ont une complicité avec l’islamisme. Ils sont des collaborateurs de l’extrême droite islamique. Ils disent qu’ils veulent la sixième République, ils disent qu’ils veulent faire tomber le capitalisme pour sauver le climat ; mais là ils sont prêts à la politique, non pas de la terre brûlée, mais de la République brûlée. Ils font brûler la République. » Rien de moins.

Extraits d’un article du magazine trimestriel Médiacritiques d’octobre 2023, édité par l’association Acrimed.

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