Désindustrialiser l’agriculture

La recherche impérative de compétitivité passe par une simplification des parcours culturaux, une augmentation de la taille des parcelles, l’abandon de l’élevage en plein air. Elle aboutit à une industrialisation des cultures et de l’élevage. Elle génère pollution de l’eau, émissions de gaz à effet de serre, brevetage du vivant, accaparement de communs. Elle contribue à la chute de la biodiversité, à la dégradation des milieux et des habitats naturels et au développement des pandémies.

Ces constats implacables nécessitent une réaction déterminée pour transformer l’agriculture afin de répondre au double enjeu de souveraineté alimentaire et de préservation de l’environnement et du climat. Deux visions opposées s’affrontent :
– D’abord pour définir la notion de souveraineté alimentaire : apparue récemment – depuis la guerre en Ukraine – dans les discours du gouvernement et de la FNSEA, la souveraineté alimentaire signifie « assurer une croissance durable pour l’agriculture et l’agro-alimentaire ». Pour l’organisation internationale paysanne, La Via Campesina, c’est un concept développé en 1996 en opposition aux politiques néolibérales : « la souveraineté alimentaire désigne le droit des populations, de leurs États ou Unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers. »
– Ensuite pour déterminer une orientation au modèle agricole. La proposition phare du gouvernement et du syndicalisme majoritaire est une troisième révolution agricole basée sur la robotique, la génétique et le numérique. La fuite en avant techniciste, l’occultation encore et toujours de la consommation énergétique à l’origine d’un dérèglement climatique incontrôlable. Tout cela pour maintenir à bout de bras les volumes de production nécessaires à l’agro-industrie

La Confédération paysanne promeut la nécessité d’avoir des paysans nombreux dans les campagnes, de s’appuyer sur l’énergie humaine pour fournir une alimentation appropriée en respectant nos territoires et en respectant la vie. La Confédération revendique l’installation d’un million de paysannes et de paysans pour relever les défis alimentaires, sociaux et environnementaux. Un million, c’est à la fois ambitieux et pas si éloigné que ça dans le temps : c’était le cas dans les années 1990, il y a seulement une génération…

Alors que la courbe est à la baisse continue depuis plus de 50 ans, qu’un paysan sur deux partira à la retraite dans les huit ans à venir, inverser la tendance à l’œuvre depuis tant d’années, celle qui réduit le monde agricole à peau de chagrin est un défi colossal. Cela nécessite une volonté politique qui va à l’encontre des décisions prises aujourd’hui. De nombreux obstacles s’opposent à ce mouvement de ré-empaysannement.

À commencer par les politiques néolibérales qui organisent la concurrence entre tous les paysans du monde entier pour réduire les coûts de la production agricole afin de maximiser les profits dans la transformation et la commercialisation. Une protection économique s’impose. Elle passera notamment par l’arrêt des accords de libre échange, la régulation des productions ou encore l’instauration de prix minimum d’entrée pour les produits importés d’Europe ou d’ailleurs. Car comment s’imaginer paysan si on ne peut pas vivre de son travail ?

Extrait d’un article de Véronique Marchesseau dans un article du journal La Décroissance de juillet 2023.

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