Dérive autoritaire

Il est 18 heures. Grégoire attend son fils à la sortie de l’école dans le XIX° arrondissement de Paris. Yacoub, 15 ans, un gamin qu’il connaît bien, débarque en courant. Il est en retard pour venir chercher son frangin. Un homme surgit et le plaque au sol. Grégoire se jette sur l’agresseur, trois autres baraques arrivent en hurlant « police ».
« J’ai été menotté, plaqué au mur, devant les enfants », explique le père quadragénaire. Les quatre agents de la Brigade anti-criminalité habillés en civil avaient ordonné à Yacoub, quelques secondes plus tôt, de s’arrêter de courir. Lui, il a vu quatre mecs dans une voiture banalisée, a pris peur et a détalé. Un prétexte suffisant pour lui sauter dessus.
Devant l’école, les quatre génies ordonnent à tout le monde de rentrer dans la cour, parents et enfants, paniqués. Grégoire, lui, est embarqué sans pouvoir prévenir son fils de 10 ans. « Au commissariat, ils m’ont dit qu’une plainte allait être déposée pour violence aggravée. » Sous la menace d’une comparution immédiate, Grégoire finit par s’excuser. Il est relâché. Un policier lui glisse en sortant : « Et si le gosse avait eu un couteau, hein ? » Nous sommes fin novembre à Paris, en 2015. Sous l’état d’urgence.

Cet arsenal juridique, mis en place contre les terroristes, a un inconvénient majeur : il met dans le même sac gamins, contestataires de tout poil, écolos, anarchistes, défenseurs des droits des migrants, musulmans… Au point que Serge Portelli, juge à la Cour d”appel de Versailles, n’hésite pas à nous dire : « Aujourd’hui, le PS a complètement perdu la boussole, il y a tout lieu de craindre une dérive autoritaire. Nous sommes face à deux idéologies qui se combattent : l’idéologie sécuritaire et l’idéologie démocratique. Il va falloir choisir son camp. » D’ailleurs, il suffit d’observer comment il a été mis en place pour comprendre les dangers qu’il représente.

Extrait d’un article de Charlie Duplan et Léa Gasquet dans Siné mensuel de janvier 2016.

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