Défendre la liberté de dire et de penser

Attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercasher

CQFD : Quatre mois après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercasher, les débats qui traversent la société française sont-ils à la hauteur des massacres qui ont eu lieu ? Est-ce qu’on est obligé d’être Fourest, Plenel ou Todd ?
Edwy Plenel : Ce ne sont pas les noms que vous citez qui donnent une réponse politique aux événements de janvier. Une bataille était ouverte dès ce jour-là : quelle serait la réponse à ce choc, à ces passions, à ces émotions ? Quatre mois après, nous l’avons : le pouvoir actuel a transformé janvier 2015 en septembre 2001.
Il a reproduit la politique des États-unis sous la présidence Bush. Il nous a mis en guerre alors que nous sommes face à une question de police. Il nous a dit « ayez peur, je m’occupe du reste », nous dépossédant – jusqu’à la loi dite de renseignement qui est une loi de surveillance et d’atteinte aux libertés. Le vrai problème est celui-là.
Dans ce cadre s’expriment des publicistes, avec plus ou moins de pertinence, dont chacun peut juger. Mais la vrai question est celle-ci : après les attentats, va-t-on rester fidèle à la mémoire des victimes, c’est à dire défendre la liberté de dire, de penser, d’agir, de s’engager, d’être différent, d’être dissident, de penser contre, d’être subversif, d’être critique ? Ou sommes-nous censés être Charlie à la manière de Manuel Valls, de Bernard Cazeneuve ?

Pédagogie vs diabolisation

CQFD : On vous a reproché votre intervention dans l’Essonne avec Tariq Ramadan. Est-ce qu’il est un des interlocuteurs avec lesquels on peut travailler ?
Edwy Plenel : La diabolisation de Tariq Ramadan est délirante. Elle a été, entre autres, faite par Caroline Fourest, dont le livre, Frère Tariq, compte des dizaines d’erreurs factuelles. En réalité, Tariq Ramadan vient du mouvement altermondialiste, de l’engagement social à gauche et internationaliste et, dans l’univers de la religion, il se bat sur ce terrain des causes communes, avec sa langue, son histoire.
Ce soir-là, il a fait la pédagogie de la conscience critique au sein de l’islam et n’a pas du tout tenu un discours conservateur, réactionnaire ou identitaire.
Quant à moi, j’ai fait applaudir Jaurès et la République. Qu’importe, on lui tombe dessus avec des attaques insensées, et les gens qui me traitent « d’islamiste » ne se donnent même pas la peine de venir m’écouter. Ils sauraient que je parle aussi du problème que les lieux saints de l’islam soient en Arabie saoudite une monarchie obscurantiste qui est, hélas ! Le premier allié de nos gouvernants dans la bataille contre l’État islamique. Alors que l’Arabie saoudite a le même code pénal que l’État islamique et que l’idéologie de l’État islamique s’enracine dans le wahhabisme saoudien.

Extrait d’un entretien entre Edwy Plenel et la rédaction du journal Siné mensuel dans le numéro de juin 2015.

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