De quoi « terrorisme » est-il le nom ?

[…] dans le droit international, il n’existe aucune définition universelle du terrorisme. Si l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une « Déclaration sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international » dès 1994, elle n’en présente aucune définition, pas plus que les bureaux, centres et comités dédiés à la question. La Cour pénale internationale (CPI) ne reconnaît pas non plus de crimes de terrorisme. Les attaques terroristes seraient-elles juridiquement intouchables au niveau international ?
« La notion de terrorisme n’apporte pas grand-chose sur le plan juridique, nuance Olivier Corten, professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles. Le crime de terrorisme est systématiquement dévoyé sur le plan politique : le ministre français de l’Intérieur parle d’écoterrorlsme, la Russie parle de terroristes pour ses opposants. »
Comment des lors qualifier les événements survenus depuis le 7 octobre ? « Les attaques du Hamas peuvent être qualifiées de crimes de guerre et de crime contre l’humanité, en ce qu’on a assisté à une attaque généralisée ou systématique contre la population civile, voire de génocide, dans la mesure où il s’agit d’exterminer le peuple juif comme tel.
Quant à la riposte massive menée par l’armée israélienne à Gaza, l’ampleur et le caractère largement non discriminé des bombardements, ainsi que le nombre de civils morts et les déplacements massifs de population qui en ont résulté, mènent également à s’interroger sur de telles qualifications.
La notion de crime contre l’humanité semble en tout cas particulièrement pertinente », souligne le Juriste belge.
Des différences qui ne reposent en aucun cas sur la nature des incriminés, contrairement aux assertions du député du RN Sébastien Chenu, qui accusait LFI de reconnaître le Hamas comme une armée régulière en lui imputant « seulement » des crimes de guerre.
« C’est faux, répond Olivier Corten. Le seul crime qui ne peut être commis que par les États est le crime d’agression. Dans la jurisprudence, de nombreuses personnes appartenant à des groupes privés ont été condamnées pour crimes de guerre. »
La différence tient à la gravité des actes : « Le crime de guerre est une violation grave des lois de la guerre. Si un soldats s’attaque à des civils et commet une bavure, c’est un crime de guerre. Il faut qu’il y ait un projet, une attaque générale et systématique contre les civils pour parler de crime contre l humanité. »
En dehors des débats terminologiques, que peut le droit international, alors même qu’Israël refuse la compétence de la CPI ? « La CPI considère que la Palestine est un État, tout comme la plupart des États et l’ONU. Certes, Israël refuse la compétence de la CPI, mais pas la Palestine. La cour a donc compétence pour tout ce qui se passe sur le territoire palestinien ou pour tous les crimes qui pourraient avoir été commis par des Palestiniens, et elle mène d’ailleurs une enquête préliminaire depuis des années. Tant que les condamnations sont faites par des États, on dit que c’est politique. Mais si la CPI se prononçait, cela créerait un précédent important sur le plan symbolique. »
Ainsi, pour Olivier Corten, l’emploi du mot « terrorisme » « est inutile juridiquement et dangereux politiquement ». La place prise par ce terme en Occident est telle qu’il est désormais coûteux politiquement de chercher à s’en écarter – au détriment de la complexité du réel.

Extrait d’un article de François Rulier dans Politis du 19 octobre 2023.

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