Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Consommer moins mais produire plus !!??
Le discours présidentiel sur l’ère de l’abondance fait aussi écran à des rationnements pas si lointains, […]
les événements, même prévisibles, ne sont jamais anticipés par les gouvernants ; et ces derniers préfèrent toujours « contraindre les particuliers pour ne pas toucher à l’activité économique ».
Éviter à tout prix la contrainte, c’est justement le choix du « plan de sobriété » que le gouvernement a présenté le 6 octobre. Au triptyque tragique du chef de l’État en a répondu un autre, anecdotique, promu depuis par un spot gouvernemental :
« Je baisse, j’éteins, je décale. » Baisse du chauffage, réduction de l’éclairage, incitation à prendre le vélo…
Le discours anxiogène se traduit – pour l’instant – par d’indolores écogestes. Mais le cadre est d’ores et déjà posé, et Élisabeth Borne ne se prive pas de le répéter. « La sobriété énergétique, ce n’est pas produire moins et faire le choix de la décroissance », expliquait la Première ministre dans son discours de présentation du plan de sobriété. « Certains, par idéologie ou par simplisme, veulent nous conduire vers la décroissance. Ce n’est pas la solution. […] La sobriété, c’est baisser un peu la température, décaler ses usages et éviter les consommations inutiles », reprenait-elle un mois plus tard à l’Assemblée nationale.
Produire plus, quoi qu’il en coûte: le dogme est posé, le reste devra s’y adapter. « Il y a un refus de mise en débat du modèle économique et des modes de vie, là où une vision écologiste réclame de l’équité climatique et de la justice sociale. Puisqu’il ne s’agit que d’adaptation ponctuelle, on répond à la crise avec les trois leviers disponibles : efficacité, sobriété, renouvelables », tranche Fabrice Flipo, professeur de philosophie à l’Institut Mines-Télécom et notamment auteur de Décroissance, ici et maintenant (Le Passager clandestin, 2017). Sans bifurcation profonde, ne reste donc qu’une logique de « grappillage » qui crée un « enfumage » en faisant passer de l’efficacité (gérer mieux la consommation) pour de la sobriété (réduire un usage). Bref: « On ne change pas le système, on optimise
seulement sa gestion. »
« Avec ces micro-stratégies seulement réactives, le gouvernement explique qu’il y a des limites mais n’en tire aucune implication en matière de partage », renchérit Timothée Parrique. Ce dernier identifie deux angles morts d’une telle ligne néolibérale : la volatilisation de la question des inégalités « alors que les pressions environnementales sont toutes corrélées à la richesse », et le refus de mettre en cause la logique de croissance et son architecture destinée à fabriquer du désir marchand. « Le citoyen doit être sobre tout en étant abreuvé de publicités. Il faudrait consommer moins mais produire plus : c’est absurde », s’afflige le chercheur. De ce fait, le périmètre des « efforts » demandés se contente de cibler des usages insignifiants, sans changer la dynamique des besoins.
Extraits d’un article de Youness Bousenna dans Socialter de décembre 2022.