Concentration des médias

La voracité de Vincent Bolloré pour étendre son empire a occulté les autres mouvements de concentration qui ont touché le paysage médiatique (et le monde de l’édition) ces derniers mois, à commencer par le projet (avorté) de fusion TF1-M6 (p. 3). Face à la gourmandise des milliardaires, le Sénat a mis en place une commission d’enquête entendant « mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France, et évaluer l’impact de cette concentration sur la démocratie ». Las, cinq mois plus tard, malgré de nombreuses auditions – dont celles d’Acrimed (p. 21) et des propriétaires de médias (p. 18) -, le rapport de la commission sénatoriale est resté bien trop timide.

Pourtant, la situation est préoccupante. D’un côté, des propriétaires qui ne se privent pas de peser sur la ligne éditoriale de leur média, notamment en période d’élections (p. 4), et qui peuvent pour cela s’appuyer sur des chefferies à leur écoute (p. 12). De l’autre, une financiarisation qui fait primer des logiques de rentabilité et de profitabilité, plutôt que d’investir dans le reportage et l’enquête (p. 14). S’il est donc nécessaire de « refonder la propriété des médias » et de donner plus de pouvoir aux rédactions, encore faut-il en discuter les modalités et les principes (p. 24).

L’un des chantiers majeurs est sans conteste celui du financement. Le dépôt de bilan du Ravi, début septembre, rappelle qu’il est impératif de soutenir les médias indépendants, par exemple en réorientant les aides à la presse, qui bénéficient actuellement aux plus riches (p. 8). Il est aussi nécessaire d’octroyer des moyens suffisants au service public de l’information. La suppression de la redevance, finalement promulguée cet été malgré une mobilisation en juin (p. 31), n’est de ce point de vue pas une bonne nouvelle. Pire, elle fragilisera un peu plus un audiovisuel public déjà exsangue. C’est pourquoi la refondation de l’audiovisuel public reste un combat à poursuivre, et des états généraux pourraient constituer une première étape vers une réappropriation des médias (p. 37).

En cahier central de ce numéro, nous glissons la désormais fameuse carte du paysage médiatique « Médias français : qui possède quoi ? », fruit d’un partenariat entre Acrimed et Le Monde diplomatique depuis 2016. Il s’agit de la dix-septième version, éditée en décembre 2021… en attendant la prochaine : dans le monde des grands médias, les transactions, rachats et autres OPA ne connaissent pas de trêve.

Édito-sommaire du numéro d’octobre-décembre 2022 de Médiacritique(s), magazine trimestriel d’Acrimed.

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