Chômeurs profiteurs

Le gouvernement répète cette idée que l’inactivité paierait parfois mieux que le travail. C’est d’ailleurs une de ses justifications économiques majeures. Est-ce vrai ?

Non, c’est faux, et cela a été démontré. Il y a une étude de France Stratégie datant d’avant le covid qui analyse le cas des personnes aux minima sociaux. Cela concerne aussi les chômeurs parce que moins de la moitié d’entre eux touchent des allocations-chômage. Or cette étude montre que, dans tous les cas, la reprise d’un emploi, même à temps partiel, améliore le revenu. En revanche, elle souligne que la reprise d’un emploi ne permet pas forcément de sortir de la pauvreté. Et c’est pareil pour les allocations-chômage. Aujourd’hui, la loi dit qu’on ne peut pas toucher plus de 75 % de son salaire brut de référence.
Donc le chômage paie forcément moins que le travail.
Sauf si l’idée que le gouvernement a en tête – et il faudrait qu’il l’explicite dans ce cas – est de dire qu’un cadre au chômage vit mieux que s’il était au Smic et qu’il faut arrêter cela. Dire qu’on vit mieux en ne travaillant pas alimente une théorie du chômage volontaire qui ne correspond pas à la réalité du marché du travail.
Aujourd’hui, il y a plein de raisons pour lesquelles il y a du chômage. La première étant le rythme de l’activité économique. D’ailleurs, on voit bien que, quand la conjoncture s’améliore, le chômage baisse, et quand elle ralentit, il augmente. Mais le montant des allocations-chômage ne fait pas du tout partie des raisons principales. Dire qu’il y aurait des gens qui font un calcul en se disant « je suis mieux au chômage qu’en travaillant », c’est effectivement très politique. Et populiste.

Si on n’a pas de recul sur les précédentes réformes de l’assurance-chômage, les aides aux entreprises ont fait l’objet d’études. Que nous enseignent-elles ?

En effet, on dispose d’évaluations sur les aides aux entreprises qui montrent que, pour le moins, on a été trop loin. C’est-à-dire que c’est trop cher pour l’effet qu’on en retire en matière d’emploi et de compétitivité.
En revanche, quand il s’agit des politiques sociales, et en particulier du chômage, on prend des mesures extrêmement dures, sans évaluation, et on en rajoute, encore et encore. Il y a une asymétrie entre une empathie pour les entreprises et une absence totale d’empathie et de considération pour les chômeurs. Car, il faut le rappeler, avec ces réformes, on dégrade le niveau de vie des personnes au chômage et de leur famille. En France, une personne au chômage sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté et les personnes pauvres ont des enfants. Il y a 20 % d’enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. De ce point de vue, les réformes du gouvernement sont dangereuses socialement.

Extrait d’un entretien du professeur d’économie Michaël Zemmour dans Politis du 04 avril 2024.

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