Charité ou partage des richesses ?

Bernard Arnault (LVMH) a annoncé faire un don de 10 millions d’euros pour aider les Restos du cœur à retrouver l’équilibre financier. Total Energies lui a emboîté le pas avec 5 millions. L’exécutif demande maintenant aux grandes firmes d’être solidaires avec les plus pauvres, qui sont dépendants de l’aide alimentaire. Du fait de la stagnation des salaires et de la hausse de 1’inflation, en particulier dans les domaines de l’énergie et de l’alimentation, ces derniers voient leur nombre augmenter tous les ans depuis quelques années. Le 17ème baromètre Ipsos – Secours populaire français, qui vient d’être publié, donne des chiffres ahurissants, surtout pour un des pays les plus riches du monde. Plus d’un tiers des Français ont du mal à se nourrir, en quantité et en qualité ; beaucoup sont obligés de sauter des repas ; quant aux fruits et légumes frais, c’est un luxe presque interdit.

Pourquoi tant de personnes sont-elles si pauvres ? Parce que les mêmes firmes qui font aujourd’hui la charité refusent depuis des dizaines d’années d’augmenter les salaires de leurs employés. Les classes moyennes et populaires (incluant les fonctionnaires) s’appauvrissent, et ce phénomène s’est accéléré ces dernières années. Ce scandale n’est pas dû à une invasion de sauterelles mais résulte de choix politiques successifs concernant le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits. D’un côté, désindexation des salaires de 1’inflation, détricotage du code du travail, casse des services publics… De l’autre, dérégulation des flux financiers, baisses de charges et d’impôts, niches fiscales, aides massives aux grandes entreprises (environ 200 milliards d’euros l’année dernière). Dans un tel contexte politique et institutionnel, ce ne sont pas les associations qui pourront changer les choses, même si évidemment elles répondent à l’urgence, et encore moins la charité hypocrite de LVMH et de Total.

Début d’un article d’Hélène Tordjman dans Politis du 14 septembre 2023.

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