Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Ces mythes pour empêcher les réformes
Les règles des années 1990, conçues pour limiter l’intervention publique, contraignent les politiques de gauche à l’impuissance quand il s’agit de changer de modèle de développement. 3% de déficit, 60% de dette, sont des contraintes purement arbitraires. Alors qu’elles sont présentées comme un dogme par la droite, le rapport du Conseil d’analyse économique Pour une refonte du cadre budgétaire européen (2021) montre que ces règles peuvent évoluer. La suspension de ces critères pendant la crise du COVID, ou les 800 milliards de dépenses militaires annoncés par la Commission européenne, en sont la démonstration : le basculement du « pas d’argent magique » au « quoi qu’il en coûte » relève d’abord d’un choix politique.
Déconstruire les mythes
1. Le mythe des caisses vides
La BCE a créé plus de 5 O00 milliards d’euros depuis 2015 via ses programmes de rachat dobligations (Quantitative Easing). Or, 60% de ces liquidités sont allées aux marchés fi- nanciers, pas à l’économie réelle. L’argent ne manque donc pas : le problème réside dans sa destination. Ces flux massifs nourrissent les bulles financières et les inégalités plutôt que de soutenir les besoins sociaux, l’investissement productif et la bifurcation écologique. L’austérité, prônée par les libéraux, a pour principal résultat ole réduire les services pu- blics au profit de leur privatisation. Cette mar- chandisation du monde nous en payons tous le prix: croissance manquée, inaction climatique, services publics dégradés, investissements d’avenir différés.
2. Le mythe de l’État-ménage
Comme le rappelle dans une tribune Pierre Khalfa, avec d’autres économistes membres d’ATTAC et de la fondation Copernic, « un État ne rembourse jamais sa dette. Il ne paie que la charge des intérêts, et lorsqu’un titre arrive à échéance, il emprunte de nouveau pour le rembourser – il fait « rouler » la dette ». Ce mécanisme rend caduque la comparaison avec un budget domestique justifiant l’austérité. En revanche, en faisant rouler sa dette l’État devient un emprunteur comme un autre, ce que Benjamin Lemoine a qualifié d’ « Ordre de la dette » (2016), et cela mérite d’être remis en question : « l’existence d’un marché de la dette publique vise à soumettre l’État à la pression des marchés financiers », en l’empêchant de recourir à des financements directs via les banques centrales. Deux issues se dessinent alors : « soit la capitulation devant les marchés, soit la reprise de contrôle sur la dette, en la sortant de leur emprise ».
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Face à l’impasse du dogme austéritaire. de nombreuses alternatives émergent. portées par les travaux d’Attac, des Économistes atterrés, de la Fondation Copernic, ainsi que des instituts Rousseau, Veblen et Avant-garde. L’enjeu central est de re-politiser la question de la dette, en agissant sur deux leviers clés : les taux d’emprunt – artificiellement gonflés par la dépendance aux marchés financiers – et un cadre institutionnel – verrouillé par les traités européens.
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ll est d’ores et déjà possible d’agir concrètement : en allongeant la durée des dettes publiques, en émettant des emprunts européens communs afin de réduire les coûts de financement, et en développant des produits d’épargne verte accessibles aux citoyens. Des instruments tels que les eurobonds ou la création d’un Fonds européen pour le climat pourraient jouer un rôle clé dans cette stratégie.
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La gauche doit oser questionner la dépendance aux marchés financiers et construire des alter- natives.
Créer un pôle bancaire public dynamique : En s’appuyant sur la Caisse des Dépôts et La Banque Postale, il pourrait refinancer directement l’État et les collectivités à moindre coût. Comme le souligne J. Couppey-Soubeyran (lien vers la source, ces banques publiques « peuvent déjà accéder au refinancement de la banque centrale mais de facto y recourent peu ». Plutôt que de les faire fonctionner comme de simples fonds d’investissement, il faut amplifier leur recours au refinancement de la BCE pour en faire de véritables leviers d’une politique écologique ambitieuse.Restaurer un circuit du Trésor modernisé : Les institutions financières privées doivent être contraintes de placer une partie de leurs actifs en titres de la dette au taux fixé par la puissance publique, comme le proposent Pierre Khalfa et ses co-signataires.
Rétablir les prêts directs de la banque centrale au Trésor : L’histoire monétaire en démontre la faisabilité. La Banque d’Angleterre n’y a d’ailleurs pas totalement renoncé. Ce verrou du Traité européen doit être contesté.
Extraits d’un article dans « Démocratie et socialisme » d’octobre 2025, le mensuel de L’APRES.