Center Parcs et les contribuables

Le montage immobilier sépare les logements du reste des équipements. Les cottages – version VIP, Premium ou Confort, soit les 1ére, 2ème et 3ème classes – sont vendus à des investisseurs, plutôt des particuliers, qui veulent se faire rentiers. Le truc, c’est que les équipements collectifs – restos, piscines et chiottes – sont pris en charge sur fonds publics par une société d’économie mixte, qui loue tout le bastringue à Pierre et Vacances. Bilan : sur un investissement moyen de 170 millions d’euros (M€) pour un parc, plus du tiers est pris en charge par les collectivités locales : communes, agglomérations, département et région. Sans oublier l’État et son bras financier, la caisse des dépôts et consignations (CDC). Exemple : dans le dernier parc ouvert en France (Les Trois-Moutiers, Vienne), sur un budget total de 138,5 M€, l’ État en a filé 5, la CDC 15,2, le conseil général 37, et au total l’argent public représente 63,2 M€, soit 46 % du budget, les prêts des banques privées assurent le reste. Merci les happy taxpayers !

Pierre et Vacances sait bien que le marketing territorial, qui instaure la compète entre villes transformées en marchandises, a gagné les campagnes. Center Parcs, c’est le camp de vacances à gogos vendu comme l’emploi à gogo qui débarque comme un bienfait en zone rurale. Les élus des patelins alentour bavent de voir un investisseur (on ne dit pas capitaliste, ça fait peur aux enfants) s’intéresser à leur cambrousse. Quant aux emplois promis, ils sont surtout précaires , cela va sans dire – temps partiel (pour certains, 36 heures par mois !), payé à minima. Bref, payé au lance Pierre.

Ce qui n’empêche pas communes et collectivités, éblouies, de faire des ristournes sur le prix du terrain : à Roybon, il s’est bradé 30 centimes le m² constructible, soit 60 fois moins que le prix du marché ! Les notables locaux sont ensuite invités à arroser le projet d’argent public pour payer une chaufferie ici, une station d’épuration là, amener l’eau potable et les réseaux, et bien sûr s’occuper de tous les aménagements routiers. En Saône-et-Loire, les collectivités ont même financé la formation des travailleurs précaires qui allaient trimer sous les cocotiers en plastique de leur centeur parque !

Avec la moitié de son chiffre d’affaires réalisé en France, P&V a tout misé sur une spécialité tricolore : l’immobilier touristique dopé à la défiscalisation. Des niches fiscales indispensables pour inciter les gogo-rentiers à se payer un cottage. Le groupe les a tous usés jusqu’à la corde : loi Périssol en 1996, Demessine en 1999, Sellier en 2008, Censi-Bouvard en 2009. Ce dernier dispositif, qui permet aujourd’hui de bénéficier d’un avantage fiscal de 11 % sur le prix d’un bien mis en location, et d’une récupération de la TVA, a été prolongé jusqu’en 2012, puis jusqu’en 2016, grâce au bras long du patron du groupe, Gérard Brémond. Le très libéral quotidien Les Échos affirmait déjà en 2007 qu’il cultivait un sérieux carnet d’adresses dans le milieu politique, indispensable pour maintenir les avantages fiscaux du secteur. Au point que les articles des lois de finance qui ont institué ou prolongé ces niches fiscales ont été baptisés, dans les couloirs du parlement, amendements Brémond !

Extrait d’un article de Nicolas de La Casinière dans le journal Zélium de juillet 2015.

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