Blablacar et Mobicoop

[…] le business de toutes les plateformes de mise en relation, de Meetic à Airbnb en passant par Leboncoin et BlaBlaCar, repose sur les effets de réseau. C’est un phénomène assez simple à comprendre, basé sur le fait que les produits que vendent les plateformes à leurs clients sont fournis par les autres clients, quand il ne s’agit pas des clients eux-mêmes. Une plateforme sera donc d’autant plus attractive qu’elle « proposera » plus d’offres que son concurrent… qui sera lui voué à disparaître, ou à se limiter à un marché de niche, car plus la plateforme leader concentrera d’annonces, plus elle sera attractive. Ainsi, avec les effets de réseau, « le gagnant prend tout » : c’est ainsi que fonctionne le business du capitalisme de plateforme. BlaBlaCar a dépassé d’une courte tête ses concurrents dès 2009. Avant, il lui était impossible d’imposer une commission aux passagers, puisque ces derniers seraient partis vers les sites concurrents encore en lice. Mais grâce aux effets de réseaux, la domination de BlaBlaCar a été de plus en plus grande.
La plateforme a pu imposer une commission dès 2011, c’est-à-dire quand nous avons été suffisamment captifs, suffisamment contraints de passer par BlaBlaCar pour faire du covoiturage. Au départ faible, cette commission a peu à peu augmenté pour atteindre environ 30 % aujourd’hui, pourcentage révélateur de notre degré élevé de captivité.
De ce fait, lors du passage au payant, beaucoup de pionniers ont eu le sentiment que BlaBlaCar trahissait leur confiance. En réaction au passage au payant, un utilisateur lambda, l’informaticien Nicolas Reynaud, créa une plateforme associative. Proposer un modèle gratuit pour les utilisateurs, et non lucratif : ça a marché. Basé sur le bénévolat et les dons, covoiturage-libre, lancé en 2011, a fait son nid. Il est devenu Mobicoop en 2019, une coopérative d’intérêt collectif.

[…] Mobicoop a tout pour séduire, sachant que son statut de coopérative nous garantit que l’utilité sociale est le premier objectif de la boîte, et passe avant la rémunération des actionnaires, ces derniers pouvant d’ailleurs être les covoitureurs qui le souhaitent. Si le service est si génial que ça, pourquoi ne supplante-t-il pas BlaBlaCar ? Pourquoi, depuis 2011, reste-t-il dans une niche militante alors qu’il coûte pourtant moins cher aux passagers, puisqu’il n’y a pas de commission – argument suprême ? […]
La domination de Blablacar ne repose pas sur les choix individuels, du moins, ces choix sont fortement contraint par les effets de réseaux.

Extraits d’un article dans le mensuel l’âge de faire d’avril 2024.

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