BFM et la liberté d’expression

Chez Télérama, Samuel Gontier a des collègues payés à « regarder des séries ». Son travail à lui est plus éprouvant. Chroniqueur télé, il s’inflige le pire du petit écran, du 20 heures de TF1 aux bavardages fascisants des plateaux de CNews. Reportages biaisés, déférence envers le pouvoir, propagande néolibérale, hostilité obsessionnelle aux grévistes, aux chômeurs, à l’islam et à l’immigration : dans la France de l’ère Macron, la désinformation télévisuelle bat son plein. Avec un style plein d’humour et d’ironie piquante, Samuel Gontier en rend compte dans ses articles, publiés depuis une quinzaine d’années par Télérama (et, occasionnellement, par CQFD).

Mais ce qui l’amène à comparaître ce 17 octobre devant la chambre des délits de presse du tribunal de Paris, c’est un simple tweet « Depuis l’arrivée de Marc-Olivier Fogiel à sa tête, la ligne éditoriale de BFM TV s’affermit : racisme, xénophobie et islamophobie à tous les étages. Et libre antenne à Luc Besson, accusé de viol. » Ni la chaîne ni l’animateur n’ont apprécié. Ils ont porté plainte en diffamation.

Le 9 octobre 2019, quand Samuel Gontier poste ce message sur le réseau social Twitter, c’est pour faire la réclame d’un de ses articles, tout juste mis en ligne sur le site de Télérama. Intitulé « Robert Ménard, Marine Le Pen et Jean-Pierre Chevènement en majesté sur BFMTV », le texte relate une journée ordinaire chez BFM, trois mois après l’arrivée de Marc-Olivier Fogiel à sa direction, en juillet 2019.
L’invité du matin ? Le politicien d’extrême droite Robert Ménard. Simplement présenté comme « maire sans étiquette de Béziers et fondateur de Reporters sans frontières », ledit Ménard est invité à parler… d’immigration.
Plus tard dans la journée, voici un débat entre éditorialistes. « La question n’est pas celle de l’immigration en général, elle est celle d’une immigration en particulier, qui a à voir avec la sphère arabo-musulmane et qui a à voir avec l’histoire de France », affirme Jean-Sébastien Ferjou, du site conservateur Atlantico. […]

Les chaînes d’infos en continu jouent un rôle primordial dans l’agenda et le cadrage médiatiques. Elles disent à quoi penser et comment y penser. […]

[…] le comptage du CSA n’a rien de fiable : si, comme Robert Ménard, ils ne sont pas clairement affiliés à un parti, les invités ne sont pas pris en compte. L’éditorialiste d’Atlantico qui prétend qu’il y a un problème avec l’immigration arabo-musulmane « n’est pas comptabilisé non plus ». Et puis, ce qui fait la ligne éditoriale d’une chaîne, c’est aussi le choix des sujets. « Passer des heures et des heures sur un fait divers impliquant un exilé afghan, c’est un choix, lance le journaliste […]

Extraits d’un article de Clair Rivière dans le journal CQFD de novembre 2022.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *