Appétits destructeurs

« Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors le visage pâle réalisera que l’argent ne se mange pas. »
Cette citation du chef sioux Sitting Bull (vers 1831-1890) résonne encore dans les oreilles de ses descendants. Ils se battent contre un projet de pipeline gigantesque qui doit traverser leur territoire.
Il n’y a pas qu’à Notre-Dame-des-Landes que des femmes et des hommes se lèvent et résistent contre des absurdités technologiques destructrices de l’environnement. S’il y en a un dont l’histoire est faite de spoliations et de destructions, mais aussi de résistance désespérée, c’est bien le peuple sioux.
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Mené par Energy Transfer Partners, une société texane, le Dakota Access Pipeline est un projet qui donne le vertige : il conduirait les pétroles de schistes bitumineux de la formation géologique de Bakken (à cheval sur le Canada et le Dakota du Nord) à travers les plaines du Midwest, sur 1880 km pour un transport estimé de 570 000 barils par jour, le tout pour un investissement de 3,8 milliards de dollars.
Gros bémol, ledit pipeline traverse dès le début de son parcours le fleuve frontalier Missouri qui alimente en eau potable les territoires sioux.
Impensable que, contrairement aux affirmations des promoteurs du projet, tout risque de fuite soit écarté. L’administration américaine en charge de la surveillance des pipelines, la PHMSA, a recensé pas moins de 3100 incidents depuis 2010 sur les équipements du pays. Et la moindre micro-fuite peut anéantir les réserves en eau.

Lors d’un précédent incident, un autre oléoduc ayant déversé 11 millions de litres d’eau saline, les autorités environnementales avaient prétendu qu’aucun risque de pollution majeure n’existait. Pourtant, quelque temps plus tard, les poissons atteints de tumeurs se pêchaient par centaines.
De plus, contrairement à la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones, les Sioux de Standing Rock n’ont pas été consultés, tout cela est donc totalement illégal. Depuis 2014, la nation sioux a combattu juridiquement le projet mais depuis avril dernier, face à l’avancée des travaux, les opposants sont passés à la vitesse supérieure, installant un camp à proximité du chantier. […]

La répression insensée n’a fait que renforcer les soutiens : manifestants pacifiques victimes de gaz au poivre, tirs de flash-ball, morsures de chiens policiers lâchés sur eux, sorties d’autoroutes menant au lieu des luttes tantôt fermées, tantôt filtrées par des contrôles interminables. Mais le point d’orgue a été l’arrestation arbitraire, suivie de menaces juridiques ahurissantes, de journalistes ou de cinéastes couvrant l’événement.
En septembre, la célèbre Amy Goodman, et fondatrice de Democracy Now, a été arrêtée et menacée de prison ferme après des accusations fallacieuses de violation de propriété privée et de destruction de matériel après qu’elle eut filmé les exactions policières.
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L’élection de Trump, soutien financier du projet (on estime entre 500 000 dollars et 1 million son investissement) a fait l’effet d’une douche froide aux opposants.
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Mais en France, en dépit de la Cop21, la BNP Paribas, le Crédit agricole, la Société Générale et Natixis, ayant chacune investi 120 millions d’euros, ne semblent pas vouloir renoncer ; c’est peut-être aux clients que nous sommes de leur faire changer d’avis ?

Extraits d’un article de Jean-Jacques Rue dans Siné mensuel de décembre 2016.

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